LE DÎNER CHEZ LES FRANÇAIS DE V. GISCARD D’ESTAING
La Criée, Théâtre National de Marseille
30 Quai de Rive Neuve,
13007 Marseille
Du 30 janvier au 3 février 2024
20h00 du mardi au samedi, 19h00 le mercredi
En 1974, la nouvelle avait été largement annoncée à la radio et sur les trois uniques chaînes de télévision : le président de la république avait décidé de s’inviter à dîner chez les français. Il voulait ainsi, disait-il, « Mieux regarder la France au fond des yeux ». Ce fut une sorte d’énorme appel à candidature. Des milliers de français proposèrent leur maison, leur tablée, leur famille pour accueillir un soir ce nouveau président et sa femme pour dîner. Il ne furent que quelques élus.
Les autres, la plupart, trouvèrent que l’idée ressemblait à une blague. Surtout venant d’un président de la république tel que Valéry Giscard d'Estaing. Un président à particule, un noble, qui faisait succession à Pompidou et au Général ! Un président qui s’exprimait dans un langage de salon avec un cheveu et des sifflantes et des façons de dire extrêmement sophistiqué et qui voulait aller voir les français, c’est-à-dire le peuple, un peu comme il faisait ses incursions au Kenya pour participer à des safaris.
Une idée comique, qui sert de fond de tableau à cette pièce qui met en scène un de ces dîners : un dîner réinventé pour l’occasion et qui cette fois durera sept ans, le temps du septennat de VGE. La famille qui l’accueille est un vieux couple de paysans normands ainsi que leur fille et leur gendre (redoutable syndicaliste belfortains).
Très réaliste, avec ses vêtements, son langage et ses nouveaux objets du quotidien de l’époque (le téléphone, la télé, le minitel sans parler du Concorde !), le spectacle se double d’un point de vue original : celui du bébé de l’époque. C’est au travers de ses interventions qui scandent la pièce comme des apartés au public, que les années défilent au même rythme que son âge.
De même pour la densité du spectacle, deux directions s’entremêlent : d’un côté la gourmandise de créer des personnages ultra-caricaturaux au comique ultra efficace, d’un autre une véritable balade dans les évolutions de la société de l’époque. Car les années 70/80 furent pour la société française des années de transformations radicales. Le glas des trente glorieuses a été sonné, et dans cet univers de crises du pétrole successives et de mouvements sociaux impérieux (on recueille l’héritage de 68), la modernisation du droit et des mœurs s’accélère : droit à l’IVG, au divorce par consentement mutuel, abaissement de la majorité à 18 ans, collège unique avant orientation professionnelle…
Le Dîner chez les Français de V. Giscard d’Estaing réussit le pari audacieux de faire cohabiter le rire (un rire qui frise par moment, par force dérision, celui de l’équipe du Splendid) et un regard presque émerveillé sur cette période d’évolution riche et rapide.
Le décor d’une précision réaliste sans faille nous transporte directement dans cette province (ah non, ce territoire, il faut dire) et dans cette époque. Tous les comédiens semblent se régaler à interpréter ces rôles taillés à la serpe. Ils ont la fougue pour se glisser dans une mise en scène vive qui demande dans changements d’état rapide et des déplacements très précis. Une mise en scène qui parvient à donner un rythme vif à toute la pièce.
À noter les intermèdes chantés de tubes de l’époque qui jalonnent la pièce comme des soliloques intimes et ironiques.
La suite… d’autres pièces à venir sur d’autres rois… pardon, d’autres présidents : Le Dîner chez les Français de V. Giscard d’Estaing est le troisième épisode de la série théâtrale Huit rois (nos présidents), dont l’objectif est de faire le portrait des huit Présidents de la Cinquième République, de Charles De Gaulle à Emmanuel Macron.
À suivre donc.
Bruno Fougniès
Le Dîner chez les Français de V. Giscard d’Estaing
Mise en scène Léo Cohen-Paperman
Texte Julien Campani et Léo Cohen-Paperman avec la complicité des actrices et acteurs
Avec Pauline Bolcatto en alternance avec Hélène Rencurel, Julien Campani en alternance avec Grégoire Le Stradic, Philippe Canales en alternance avec Robin Causse, Clovis Fouin en alternance avec Mathieu Metral, Joseph Fourez en alternance avec Pierre Hancisse, Morgane Nairaud en alternance avec Lisa Spurio, Gaia Singer
Scénographie Anne-Sophie Grac
Costumes Manon Naudet
Assistanat scénographie et costumes Ninon Le Chevalier
Lumières Léa Maris
Création sonore Lucas Lelièvre
Régie générale Thomas Mousseau-Fernandez
Assistante à la mise en scène Esther Moreira
Stagiaire dramaturgie Inès Kaffel
Maquillage et coiffures Pauline Bry
Tournée
16 janvier : Le Salmanazar, Épernay (51) / 27 janvier : ACB scène nationale, Bar-le-duc (55) / 30 janvier au 3 février : La Criée, Théâtre National de Marseille (13) / 16 février : Forum Jacques Prévert, Carros (06) / 13 juin au 29 juin : Théâtre 13, Paris (75) en alternance avec La Vie et la mort de J. Chirac, roi des Français & Génération Mitterrand
Mis en ligne le 17 janvier 2024
DERNIERS ARTICLES