Entête

BEYROUTH HÔTEL

 

Théâtre de L’Adresse
Avignon
dans le cadre du Festival Indépendance(s)

La pièce sera jouée au printemps prochain au Théâtre du Gymnase à Paris.

 

Beyrouth Hôtel loupe 

 

Débrayage suivi de Beyrouth Hôtel est le premier ouvrage que Rémi De Vos écrivit en 1994. Il fut publié et créé au Théâtre de Lorient en 1996.

Écrivain et scénariste (Jusqu’à ce que la mort nous sépare – 2002, adapté au théâtre en 2006/2007), une vingtaine de ses pièces ont été éditées (principalement chez Actes Sud papier) et traduites dans de nombreux pays étrangers. Fort de ses expériences dans le monde du travail, nombre d’entre elles y font référence.

Beyrouth Hôtel c’est : un seul lieu pour cette confrontation théâtralisée de deux pays très différents historiquement, socialement et géopolitiquement ; deux personnages, une femme, un homme, forcément très différents également ; deux états d’esprit ; deux situations ; mais un seul décor, la réception d’un hôtel, au Liban.

Beyrouth Hôtel, c’est aussi une histoire, sans paroles pour débuter, qui aurait pu se poursuivre ainsi mais qui cède la place au bout de quelques minutes à trois dialogues alternativement échangés : deux s’établissent téléphoniquement à l’initiative du voyageur, l’un faussé (le voyageur à un ami, embelli, mensonger), l’autre (le voyageur à sa femme) n’est pas même un dialogue, l’interlocuteur invisible (sa femme qui l’a quitté) se trouvant être un répondeur. Le troisième en « présentiel » pour reprendre le terme actuel, s’établit entre la réceptionniste de l’hôtel et celui qui semble bien être son seul et unique client … Pas plus entendue par lui qu’il ne l’est lui-même par ses contacts, elle s’active. Dans tous ces « échanges » apparents, elle seule dans sa simplicité et sa faculté à être ni plus ni moins que qui elle est, semble dans l’écoute, paraît entendre, percevoir, les mots dits et même au-delà. Peut-être parce qu’elle n’attend rien, seulement espère …

La réceptionniste, interprétée par Nathalie Comtat, est une jeune femme à l’apparence et aux attitudes aguicheuses, campée sur ses escarpins à talons hauts, rouge ou dorés, à l’accent plus russe que libanais semble-t-il (peut-être influencé par les « Natacha », prostituées exerçant dans le milieu de la nuit ?), qui cache un cœur prêt à prendre et dont la vie s’est adaptée à ce pays dévasté (trafic, « business »…). Chez elle, au Liban, le danger est imprévisible, les rêves naissent sur les champs de ruines, à partir de cette dure réalité. Nathalie Comtat va, vient, sort, revient, ressort, attachée aux fonctions multiples d’hôtesse de son personnage… La manipulation et la domination du jukebox associées à ses jeux de séduction, en particulier par la danse, sont sensibles, vivants et gracieux. S’y ajoute parfois une dose d’humour irrésistible.

Face à elle, nous retrouvons avec plaisir Olivier Douau qui, après avoir interprété un tueur manipulateur en démarche de psychanalyse dans Un Contrat, (pièce de Tonino Benacquista jouée au Théâtre de L’Adresse (également) pendant la dernière édition du Festival Off d’Avignon), démontre ici la faculté d’adaptation de son jeu à différents registres. Paumé, égocentré, aveuglé par ses propres problèmes, donnant de son pays (la France) et du monde du théâtre dans lequel il tente vainement de trouver sa place une piètre image, aveugle à ce et ceux qui l’entourent, notre voyageur déroute, perturbe, s’efface devant la féminité débordante de cette sensuelle et sexy réceptionniste. Olivier Douau en joue pleinement le jeu.

Deux personnages donc pour trois dialogues, de sourds ou presque, … et de muet. Une pièce, entre drame et comédie, dans laquelle l’espoir l’emportera malgré tout si, comme le dit Jean Dutourd (Le vieil homme et la France 1994) « Ce qui mérite d’être écouté finit par l’être un jour ou l’autre, et par les personnes à qui cela est destiné. » Place à l’absurde si ce n’est pas le cas.

Catherine Giraud

 

Beyrouth Hôtel

de Rémi De Vos

avec Nathalie Comtat et Olivier Douau

Mise en scène Olivier Douau
Création lumière François Alapetite
Décor Jean-Bernard Tessier et Monia Nabli
Compagnie du Nouveau Monde