VIENNE 1913, LES PRÉMISSES DU PIRE

 

Théâtre des Gémeaux
10 rue du Vieux Sextier
84000 – Avignon
09 87 78 05 58

Du 7 au 31 juillet
à 10h13

relâche les lundis

 

Vienne 1913, les prémiSSes du pire loupe 

 

Un moment magistral nous attend au théâtre des Gémeaux. Il est difficile de parler d’une pièce lorsqu’on arrive à un tel niveau de jeu et de scénographie. Tout est dans le détail, jusqu’à l’horaire de la pièce et les prémisses avec deux S...

Le spectateur est plongé dans une atmosphère propice au spectacle. Nous sommes à Vienne en 1913, ville qui possède le décor aristocratique d’une capitale de la culture, des intellectuels mais qui hélas, sonnera le départ à beaucoup de camps et de meurtres.

Il y a Hugo Von Klast, jeune homme de la haute bourgeoisie. Il entretient un rapport particulier à sa mère et ne comprend pas la raison qui le pousse à haïr les juifs. Sur les conseils du docteur Carl Gustav Jung, il va entreprendre une thérapie avec le grand Freud que ce cas intéresse fortement.

Hugo :« Ces idées que j’ai avec les ... »
Freud :« Les juifs, vous ne pouvez-pas dire le mot ? »
Hugo :« Et ça s’analyse, »
Freud : « Ça s’analyse »
Hugo : « Ça sera dur ? »
Freud : « Non »
Hugo : « Non ? »
Freud : « Ça sera très dur »...

 

Un autre jeune homme fête ses 20 ans. Seul, condamné à l’errance sur un banc du parc du Prater, il vit une vie de bohème, désire être architecte, peint des toiles et se prénomme Adolf…

Ces deux-là vont se rencontrer et se forger quelques idéaux. Naîtra une collaboration amicale au régime nazi. On découvre leur personnalité, leur part très sombre, et la transformation inquiétante, les contours effrayants et hideux du jeune Adolf. On devine le monstre à venir...Ces jeunes hommes sont le pire, on côtoie aussi les meilleurs comme Gustave Klimt ou Sigmund Freud.

On admire le fait rarissime d’avoir réuni neuf interprètes pour vingt-trois personnages ! La distribution est de haute volée. Tous sont à la hauteur des enjeux de la pièce, leur interprétation est remarquable. Jean-Luc Palies en Sigmund Freud plus vrai que nature joue le tout dans un juste équilibre, son rôle est interprété de façon magistrale.
William Mesguich s’est glissé dans la peau d’un Hugo Von Klast, il est fascinant, il porte ses mots à un haut degré de tension, l’émotion ne nous quitte pas jusqu’à la fin de la pièce.

Oscar Clark dans le rôle d’Adolf est habité, son présent brumeux et complexe, sa litanie de haine et de frustration qui caractérise la psychopathie d’Adolf est parfaite. Il restitue fort bien la complexité du personnage effrayant à souhait.

La musique est très présente. Nous entendons des musiques de Schoenberg ou de Mahler jouées par trois excellentes musiciennes  et découvrons l’ensemble des techniques verrières cristallines dont Freud pensait qu’elles aidaient à la résolution des crises d’hystérie...

Comédiennes, musiciennes, chanteuses, acteurs ne quittent jamais la scène. Derrière leurs pupitres, leurs déplacements pourraient être celui d’une caméra, aussi précis qu’un laser qui découperait image par image chaque nouvelle étape. Un tourbillon de personnages qui ont trouvé le bon rythme telle une valse viennoise de toute beauté.
La mise en scène de Jean-Luc Paliès est de grande qualité, elle est minutieuse, subtile et colle à merveille au texte. Elle atteint presque la perfection.

L’adaptation et la dramaturgie du texte d’Alain Didier Weill faites par Louise Doutreligne est remarquable d’intelligence. L’espace scénique est utilisé à merveille et les acteurs sont au service du texte. Le sens du détail, la précision des lumières, les musiques et les chants sont aussi un atout maître, tous les attributs sont là, chacun hauts en couleurs, une pièce poignante, du très beau travail ! On en ressort chamboulé !

Fanny Inesta

 

Un intérieur sombre, funeste présage...

Nous sommes à Vienne, ville cosmopolite où se retrouvent bien des intellectuels et des artistes, bien des choses sont latentes, on sent les prémisses d'un avenir différent, c'est sournois.

Sur le banc d'un jardin municipal un certain Adolf se repose et fait des aquarelles de monuments, il est inscrit aux beaux arts, à moins qu'il ne désire y être inscrit. Il va rencontrer Hugo Von Klast un membre de l'aristocratie viennoise, profondément antisémite.

Avec lui il va approcher Klimt ce peintre qui met des femmes nues dans ses tableaux mais aussi des méduses. Adolf va détester, il n'aime pas cet artiste et son univers, il a trop de complexes, lui il vit avec Wagner. Là est son inspiration, son modèle.

À petites touches se dévoile l'univers ambiant d'Adolf, peu à peu émergent ses idées. On n'est plus très loin de ses théories pour gouverner le monde et en occire une bonne part : notamment tous ces juifs qui sont partout...

Catherine Brisset pose des musiques sur son orgue de verre avec un réel bonheur, participant au climat, donnant un éclat à l'obscurité qui enveloppe tout, une lumière à cette morosité.

Les acteurs sont tous merveilleux, chacun apportant sa touche, son bémol. Pour nous permettre de ressentir tant la complexité que l'évolution inéluctable d'une ville qui va bientôt sombrer.

On assiste aux séances entre Hugo et Freud, Adolf n'est pas très loin. Mais Freud aurait-il changé le cours de la vie s'il avait soigné Adolf.

Louise Doutreligne a su épurer le texte d'Alain Didier Weil, lui donner tout son ressort, en extraire l'essentiel que Jean Luc Paliés a sublimé dans une pièce admirable.

Le climat, les mots et les musiques sont là pour nous tenir en attente, nous ressentons les soubresauts annonciateurs d'un terrible carnage, mais c'est ainsi, le monstre gagne du terrain et nous restons impuissants.

Avec son propos de pupitres ouvrant la scène, il a mis en place un dispositif tonique comme à ces manifestations qui seront organisées plus tard par Hitler, c'est pourquoi on sent dans cette Vienne les genèses de son avenir.

Une très belle pièce qui fait salle comble, prudent de réserver.

Jean Michel Gautier

 

Vienne 1913, les prémiSSes du pire

d'après Alain Didier Weil
adaptation Louise Doutreligne
mise en scène Jean Luc Paliès

avec Estelle Andrea, Claudine Fictive, Nathalie Lucas, Magali Paliès, Oscar Clara, Alain Guillo, William Mesguich, Jean Luc Paliès

musique sur verre : Catherine Brisset
scénographie Lucas Jimenez
costumes Madeleine Nys