UNE OPÉRETTE À RAVENSBRUCK

 

Théâtre Le Chien qui fume
75 rue des teinturiers
84000 – Avignon

du 7 au 30 juillet

à 10h30

Relâches les 12,19,26

 

Une opérette à Ravensbruck loupe 

 

Un hommage puissant à toutes ces héroïnes

 

Ce titre ressemble à  un oxymore, tellement l’un des mots paraît joyeux tandis que l’autre nous renvoie à l’épouvantable ! Et pourtant, c’est une histoire vraie. En octobre 1943, Germaine Tillion est déportée dans ce camp de Ravensbrück pour faits de résistance. En 1944, elle brave l’interdiction d’écrire et sous la forme d’une opérette-revue, va dénoncer le pire de ce monstrueux camp afin un jour, d’en informer le monde entier.

On les a dépossédées ces femmes, jusqu’à perdre tout contour, toute personnalité, toute trace de féminité. Dans leur apparente fragilité, c’est leur courage que l’on va d’abord retenir, leur résistance face aux privations, aux travaux les plus pénibles, aux humiliations, leur solidarité, leur ténacité à écrire, à chanter, un moyen de survie pour ne pas complètement sombrer. Créer, vivre et rire pour ne pas mourir.

Ce livre, cette opérette, Germaine l’a confiée à Claudine Van Beneden qui dans une grande habilité de mise en scène a su mettre de  la légèreté afin de  purifier le tragique tout en en renforçant l’horreur. Les traits d’humour nous permettent un rire libérateur pour alléger la cruauté du propos. Car une opérette, c’est aussi la joie, le chant et la danse et nous sommes dans un music-hall. Entre maillots de bain, rubans et uniformes de prisonnières, elles dansent, chantent et on reste suspendus dans ce subtil décalage.  On se surprend à sourire, d’effroi également et au travers du jeu des comédiennes, l’émotion est toujours palpable Les chants et les danses font surgir leurs colères, leurs intentions, leur lutte et leur combat tout en libérant une folle énergie créatrice. Aux mots poignants d’une tragédie qui s’écrit, répond l’ombre de ces femmes en pleurs et en rire mais toujours dignes.

Le spectateur est plongé à l’intérieur d’un monde ou le passé ne s’efface jamais dans le présent. Il continue à peser surtout en ces temps inquiétants.

Un récit poignant et drôle à la fois. Le public, dans son fauteuil s'enfonce peu à peu devant l'ignominie, le sordide mais pourtant elles arrivent  à nous  en sortir grâce aux chants, aux  danses, à la musique qui  nous permettent de respirer, de  prendre un bol d'air frais pour sortir  des bas-fonds de ces années.

Raphaël Fernandez nous livre une vision dense, réaliste et cruelle du conférencier naturaliste, il est glaçant, le verbe est puissant, ses mots et ses schémas tranchent comme une lame effilée. Il joue et chante avec brio .

La qualité d’interprétation des comédiennes est à la hauteur de l’exigence artistique et amène une dimension très forte au spectacle.

Claudine signe une mise en scène éblouissante utilisant au mieux la dérision, cette histoire ignoble passe fort bien , on garde notre ignominie aux lèvres . Il faut avoir le cœur bien accroché tellement c'est intense, vif et joyeux, enfin pas toujours et pourtant en fin de compte même le malheur qui traverse la scène ne parvient pas à nous attrister, le sordide devient drôle... un pari hautement réussi sur lequel on ne peut que s’incliner.

Spectacle difficile mais si beau, si bien joué que l'on ressort fortement émus, touchés, coulés mais vivants...

Fanny Inesta

 

 

Où quand on met des mots sur l’indicible, quand on habille l’innommable, quand on se place au- dessus de tous les possibles, où va-t-on ?

Germaine Tillon avait abordé cela en écrivant son opérette, mais elle ne l’avait pas mise en scène.

Une opérette qui dérange car il y a la réalité des faits dans leur contexte qui sont d’une dureté, d’une ignominie et une vision d’opérette où les femmes ont récupéré toutes leurs forces, leur droit à l’existence, leur part de critique, leur place d’être humain.

On est arrivé au stade où l’on défie le mal par le rire, celui-ci étant le dernier rempart de l’existence, de la vie.

Sur la scène c’est une mise en place de deux univers, celui des Verfügbars observés par le naturaliste et celui de l’opérette. C’est le combat de ces deux formes d’expression où évidemment les femmes se réapproprient leur identité, leur honneur. Elles sont là pleines de sureté, sans peur pour cet univers concentrationnaire, elles ont fait le tour de tout il leur reste tout le courage emmagasiné, elles sont dignes.

Tout au long de cette pièce on est écrasé par cet aplomb, elles sont là avec une force démesurée, on a le sentiment que rien ne les arrête, on ne leur fait plus courber l’échine elles existent au milieu du champs d’immondices, au milieu de cet univers hors du monde et du temps, au milieu des nazis et de leur cohorte de sous fifres

C’est excessivement bien joué, la mise en scène est parfaite et le texte !

La musique jouée en direct est fort bien mise en place

Du beau travail, on sort meurtris... mais quelle pièce ! à voir absolument

Un grand bravo aux comédiennes

Jean Michel Gautier

 

Une opérette à Ravensbruck

D’après le Verfügbar aux enfers
Mise en scène : Claudine Van Beneden

Interprètes : Solène Angeloni, Angéline Bouille, Isabelle Desméro, Barbara Galtier, Claudine Van Beneden, Raphaël Fernandez

Musicien : Grégoire Béranger