CHANGER L’EAU DES FLEURS
Théâtre Le Chêne Noir
8 Bis rue Ste Catherine
84000 – Avignon
Du 7 au 30 Juillet 2022
à 15h15
Relâches les 11, 18, 25 juillet
Le roman de Valérie Perrin Changer l’eau des fleurs est devenu un best-seller en France et traduit dans 28 langues ! Plonger en immersion totale de ce roman pour en faire une adaptation au théâtre, quelle belle idée ! Choisir Caroline Rochefort pour interpréter Violette Toussaint, on ne pouvait rêver mieux !
C’est la tendre histoire de Violette, née sous X, qui deviendra garde-cimetière dans une petite ville à Brancion-en-Chalon. Son humilité et son empathie sont palpables, elle s’occupe des morts qui sont là pour l’éternité, elle leur parle, nettoie leurs tombes, entretient les fleurs et les jardins. Elle tente de réparer les vivants qui se réfugient dans sa loge. La cafetière est toujours prête, Violette est bienveillante, à l’écoute, positive, tient des registres de chaque enterrement, prend des notes, renseigne les familles, connaît par cœur chaque emplacement des tombes... elle crée une intimité pour apaiser, tenter de survivre au sombre et aux ombres.
Sa vie est bercée par le quotidien apparemment plat de son existence, ensoleillé par les chansons de Charles Trenet qui se distillent au cours des différentes scènes et son petit verre de porto qu’elle affectionne. Son mari n’était pas toujours attentif à elle, s’occupant davantage de ses virées à moto et de ses conquêtes d’un soir. Seule lumière au tableau, leur petite fille Léonine... Quelles raisons obscures ont amené Philippe Toussaint à disparaître sans laisser aucune nouvelle, aucune trace depuis près de quatorze ans ?
Un jour, sur la pointe des pieds, tout en délicatesse débarque un homme, un commissaire avec son histoire. Il veut tenter de comprendre les dernières volontés de sa mère qui souhaitait que ses cendres soient déposées dans ce cimetière, à côté d’un inconnu. Il va questionner Violette sur ce « pensionnaire », va affronter les nombreux kilomètres qui le séparent de son domicile pour revenir et essayer de savoir, il enquête aussi sur la disparition du mari, et peu à peu de confidences en confidences, un rapprochement va naître.
Se déroule sous nos yeux, l’histoire d’une rencontre, pour elle que la vie n’a pas épargnée, une collision amoureuse qu’elle n’attendait plus, une étincelle cachée au fond de son cœur qui va à nouveau briller. Dans ces moments de grâce subtilisés au quotidien, ces deux-là se mettent à espérer beaucoup de ces instants volés au temps.
La présence lumineuse de Caroline Rochefort est éblouissante, attachante, drôle et sensible. Elle donne lustre et éclat à l’image même des brassées de fleurs colorées qui sont sur le plateau.
Son jeu est riche et profond, tout est parfaitement maîtrisé, de ses gestes aux expressions de son visage, elle est toute en douceur et en humanité, elle distille goutte à goutte le drame qui peu à peu se dévoile.
Morgan Perez offre une justesse et une belle qualité d’interprétation. Il est parfait dans le rôle de celui qui va l’aider à retrouver le chemin de la guérison, lui offrir des arc-en-ciel, lui saupoudrer de la joie même dans sa tristesse.
Le mari interprété par Michaël Chirinian est convaincant. On ressent sa douleur, sa colère, son incompréhension, il joue avec précision et sincérité dans cette histoire rude et prenante.
Le décor astucieux est cadré comme des tableaux mis en mouvements qui dessinent à tour de rôle une loge coquette ou évoquent comme le ferait une eau trouble, la grisaille des tombes.
Salomé Lelouch et Michaël Chirinian ont réalisé une adaptation et une mise en scène épurées du livre donnant à l’œuvre beaucoup de force et de précision. La scénographie de Delphine Brouard est très recherchée, fine et délicate mais très forte.
Un spectacle plein de grâce, d’humanité de résilience pour ne plus s’enfermer dans le passé.
Le public conquis jusqu’à la fin du spectacle a longuement applaudi.
C’est plein tous les jours, pensez à réserver !
Fanny Inesta
Violette est la gardienne du cimetière de Brancion-en-Chalon après avoir été garde barrière. Elle est née sous X et presque mort-née. C’est déjà un ensemble de signes pour tracer une vie. Mais elle est maintenant dans son univers, sa raison d’être. Elle sait tout sur tous. Quand débarque un commissaire qui veut connaître les raisons des derniers souhaits de sa mère. Il va enquêter et par la même occasion il enquête sur le mari de Violette qui a disparu il y a quelques années.
C’est un univers rempli d’anecdotes, de récits... un univers insolite dans lequel elle est bien.
Le commissaire retrouve la trace de son mari alors elle fait une demande de divorce. Mais les choses ne se dérouleront pas comme elle le souhaite. Elle aime sa vie au milieu des fleurs du cimetière avec son petit porto qu’elle boit régulièrement à petite dose. Ses rencontres, cet univers clos qu’elle façonne à sa façon.
Caroline Rochefort, Mikael Chirignan et Salomé Lelouch développent une belle histoire pleine d’humanité où le personnage central est tout en empathie, où l’on replace la douleur de la mort par l’intérêt qu’on peut apporter à ceux que l’on enterre.
Caroline en gardienne est lumineuse, elle est au centre d’un dispositif où elle organise tout, gère tout. La moindre fleur, les plaques, les arbres, nous évoluons dans un univers plein de vie si l’on peut s’exprimer ainsi. Caroline incarne avec brio son personnage, elle lui donne une humanité, une force et une poésie hors du commun.
Le dispositif scénique intègre l’intérieur de la maison de la gardienne au centre du cimetière, c’est le carrefour de l’action.
Point de douleur, de regrets éternels ou pas, bien au contraire une joie de vivre, qui place les morts dans le dispositif des vivants.
La mise en scène de Salomé Lelouch est tonique, le récit coule avec vivacité dans une tonalité poétique.
Une superbe pièce portée magistralement par Caroline Rochefort, un succès du festival.
Jean Michel Gautier
Changer l’eau des fleurs
Adaptation de Caroline Rochefort et Mikaël Chirinian
De Valérie Perrin et Mikaël Chirinian
Mise en scène Salomé Lelouch
Avec Caroline Rochefort, Morgan Perez, Mikaël Chirinian.
Et les voix de Céline Monsarrat et Thibault de Montalembert.
Scénographie de Delphine Brouard
Création sonore et musicale de Pierre-Antoine Durand.
Création lumières de François Leneveu.
Vidéo de Mathias Delfay
Mis en ligne le 15 juillet 2022
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