UNE FAROUCHE LIBERTÉ
La Scala Paris
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
01 40 03 44 30
Jusqu’au 21 décembre 2022
Le mardi et le mercredi à 19h30
Peu de temps avant son décès en 2020, Gisèle Halimi s’est entretenue avec son amie journaliste Annick Cojean pour non seulement faire le bilan d’une carrière incroyable – elle avait déjà publié ses mémoires, Avocate i rrespectueuse, en 2002 –, mais aussi pour lancer un appel aux plus jeunes générations. Elle passait en quelque sorte le flambeau et insistait sur la nécessaire vigilance. À 50 ans du procès de Bobigny où, en défendant Marie-Claire Chevalier, mineure jugée coupable d’avoir avorté après un viol, Gisèle Halimi ouvrait la voie à la loi Veil, ce livre connaît un second succès, avec notamment une adaptation en bande dessinée par Sandrine Revel (Une farouche liberté - Gisèle Halimi, la cause des femmes, Grasset, 2022) et au théâtre, dans cette mise en scène de Léna Paugam, sur une idée de Philippine Pierre-Brossolette. Cette dernière partage la scène et les mots de l’avocate avec Ariane Ascaride sur la scène intimiste de la Piccola Scala, qui permet de créer une ambiance de transmission particulièrement bienvenue.
La parole passe avec fluidité de l’une à l’autre, au fil des quatre grands chapitres de la vie de l’avocate : de l’indiscipline, de l’engagement, de la sororité et de l’indignation. On revient sur l’enfance de Gisèle Halimi, dans une Tunisie où le rôle que sa famille lui réservait consistait à faire le ménage, la cuisine et à servir ses frères, faisant naître en elle un féminisme précoce. Sa volonté, sa détermination à ne pas se laisser faire, son sérieux à l’école et ses économies lui permirent de partir étudier, pleine d’espoir, en France. La suite, c’est la défense des militants du FLN, la dénonciation des tortures par l’armée française, les risques pris, les menaces reçues, puis le combat pour défendre les femmes, d’abord en faveur de l’avortement et pour que le viol soit systématiquement jugé aux assises.. Et puis son association Choisir, son rôle – bref – dans le milieu machiste de la politique sous Mitterrand.
Avec une grande justesse, la pièce dit l’engagement sans faille, la rébellion, le talent de l’avocate, et ce réseau de femmes qui gravitaient autour d’elle. Les deux comédiennes réussissent à s’approprier la parole de Gisèle Halimi : Ariane Ascaride, avec la spontanéité qu’on lui connaît, n’est pas sans rappeler les propres prises de position de l’actrice et son engagement, tandis que Philippine Pierre-Brossolette semble davantage dans l’émotion. Et de cette complémentarité naît un spectacle politique et pédagogique – c’est non seulement la vie de Gisèle Halimi, mais le récit d’une époque, récit dans lequel les victimes comme Djamila Boupacha, Marie-Claire Chevalier, Anne Tonglet et Araceli Castellano ont toute leur place. Il y a également de l’émotion, renforcée par la mise en scène sobre et poétique à la fois : quelques enregistrements de Gisèle Halimi, un fond bleu qui rappelle la mer et quelques dessins qui apparaissent de temps à autre en fond de scène.
Le soir de la première, les applaudissements ont retenti longuement, preuve que les mots de Gisèle Halimi résonnent encore aujourd’hui. D’ailleurs, pas plus tard qu’hier, le Sénat rejetait la proposition de faire inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution. En ce sens, une des grandes vertus de la pièce, qui parlera à toutes les générations, est de revenir sur le chemin parcouru et d’indiquer le chemin à suivre.
Ivanne Galant
Une farouche liberté
Texte : Gisèle Halimi et Annick Cojean
Mise en scène : Léna Paugam
Adaptation : Philippine Pierre Brossolette et Léna Paugam
Interprétation : Ariane Ascaride et Philippine Pierre Brossolette
Assistante à la mise en scène : Mégane Arnaud
Scénographie : Clara Georges Sartorio
Création Sonore : Félix Mirabel
Création Vidéo : Katell Paugam
Création lumière : Alexis Beyer
Mis en ligne le 20 octobre 2022
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