ROTTERDAM  LA  NUIT

 

Théâtre de la Reine Blanche
2 bis passage Ruelle
75018 Paris   
01 40 05 06 96

Jusqu’au 17 octobre
mercredi et vendredi à 21h et dimanche à 16h.

 

Rotterdam  la  nuit loupePhoto Pascal Gely 

 

Charif Ghattas, jeune auteur (il est né en 1980) a écrit et mis en scène cette pièce. Il s’agit de trois sœurs qui se retrouvent dans un hôtel de Rotterdam. Leur mère est au plus mal... et deux sont là (vite rejointes par la troisième, la demi-sœur) pour y attendre la terrible nouvelle de sa mort.

L’art de Ghattas est le sous-entendu, l’allusion. Ainsi, au début, on ne sait pas tout et ce n’est que peu à peu que les sœurs se dévoilent.

Ainsi l’aînée, Mire, est dure et fermée ; elle semble garante de la fidélité filiale, même si son obsession semble être de savoir ce que les deux autres pensent d’elle. Rita est hypersensible ; elle écrit et a été publiée. Elle boit, pour vivre plus intensément... ou pour oublier. La troisième, Diane, présente un air plus rangé, puisque elle va se marier. Son futur mari, d’ailleurs, l’accompagne et attend. On ne le verra pas.

Nous avons donc droit à un ensemble de scène (à deux, le plus souvent) où règnent la discorde et l’invective.

— Qu’est-ce que tu fais là ?
— Je peux repartir !

La petite musique de l’auteur est un peu durassienne, mâtinée de Pinter. On est parfois touché, parfois agacé par ces invectives permanentes. L’intention est bonne, mais les clichés abondent : ainsi, les filles font ou défont leurs coiffures, une boit et se dépoitraille.  On frappe beaucoup à la porte avant d’entrer. L’image de la mère (importante dans l’histoire) pourrait exister mieux et ne pas être un simple prétexte à régler des comptes.

Souvent les scènes sont plus commentées que jouées et vécues. Et puis il y a ces jeux sur les mots, communs à Mire et Rita : — J’ai l’air, il faut bien avoir un air...

Chacune des filles est hypersensible et paraît défendre son pré carré. C’est répétitif et parfois outré, même si on sent que l’auteur y est à l’aise. On reste dubitatif devant les prises de positon de Mire à propos de sa soeur : — C’est une femme. Qu’elle agisse comme une femme !

La pièce est courte. L’auteur metteur en scène aurait pu prendre davantage son temps et jouer sur les silences. L’attente.

On retiendra, au-delà de ces réserves, le jeu des comédiennes, chacune bien choisie pour son rôle et développant une interprétation souvent prenante. La mise en scène est classique et sert le propos.

Il y a des moments forts, la pirouette de la fin, notament, ainsi que la sobriété qui accompagne l’annonce de la mort de la mère :

— Ça y est ?
— Ça y est.
— Ça s’est bien passé ?
— Ça s’est passé.

Gérard Noël

 

Rotterdam  la  nuit

Texte et mise en scène : Charif Ghattas

Jeu : Élisabeth Bouchaud, Coralie Émilion-Languille, Pauline Ziadé

Création lumières : Paul Hourlier
Scénographie : Laure Montagné