MES FRÈRES

 

Théâtre national de la Colline
15, rue malte Brun
75020 Paris
01 44 62 52 52

Jusqu’au 21 octobre 2020
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30
le dimanche à 15h30

 

Mes frères loupe Photo Philippe Chancel

 

Un temps annulée, puis repoussée et suspendue, la voici donc, enfin, cette création de l’auteur Pascal Rambert pour son complice le metteur en scène et acteur Arthur Nauzyciel. C’est l’histoire d’une femme aux prises avec la part sauvage de quatre frères dont elle est à la fois la servante, l’objet de mépris et celui de leurs fantasmes les plus lubriques. Elle se protège en verrouillant à double tour la porte de sa chambre et en baissant la tête pour rejoindre sa cuisine en soupente, comme un signe de soumission alors que les hommes occupent les chambres en hauteur.

Ces hommes-là, lourdement équipés de combinaisons et de tronçonneuses le jour, se retrouvent nus la nuit, en rêvant de combler leur frustration par leurs fantasmes débridés. Qu’ils tournent leurs pulsions vers la forêt ou vers la femme, ils restent des êtres qui ne vivent le rapport à l’autre que sur le mode de l’agression et jamais sur celui de la fraternité. On pense aux Karamazov, aux Dalton pour le burlesque (surtout le benjamin Arthur – Nauzyciel en personne, ndlr – qui est à la fois le plus petit et le plus méchant) mais aussi aux contes revisités version trash, entre Blanche Neige, Boucle d’Or et Cendrillon.

Il faut pourtant se garder de voir dans cette pièce un pamphlet qui dénoncerait les violences faites aux femmes, ainsi que la pression voire l’oppression que le désir masculin leur fait subir. Car la femme, en l’occurrence Marie (Marie-Sophie Ferdane, avec sa voix blessée déjà si juste dans une Mouette de Nauzyciel), ne restera pas longtemps victime et saura très bien servir sa vengeance sur un plateau.

Avec son bestiaire (il est question de cerf, de bouc, de limace, de génisse, de chien, de grue… et d’un hibou) et son éventail de pulsions, cette pièce choisit de se situer entre la forêt sauvage et le monde civilisé, entre le cri et la parole articulée, entre le rêve et la réalité. Elle interroge la difficulté d’aimer sans violence (pendant que Nana Mouskouri demande en bande-son à Michel Legrand « Connais-tu le bleu de l’amour ? »), elle surprend, elle dérange souvent, elle met parfois mal à l’aise. Mais elle émeut, surtout, et marquera l’imaginaire des spectateurs.

Frédéric Manzini

 

Mes frères

de Pascal Rambert
Mise en scène : Arthur Nauzyciel assisté de Raphaël Haberberg et Théo Heugebaert
Scénographie : Riccardo Hernández
Lumières : Scott Zielinski
Son : Xavier Jacquot
Costumes, coiffure et maquillage : José Lévy
Chorégraphie Damien Jalet

Avec : Adama Diop, Marie-Sophie Ferdane, Pascal Greggory, Arthur Nauzyciel et Guillaume Costanza (en alternance), Frédéric Pierrot