Entête

LES PERSONNAGES DE LA  PENSÉE

 

Théâtre de la Colline
Rue Malte-Brun
75020 Paris
01 44 62 52 52

Jusqu’au 26 novembre 2023
à 19h30 et le dimanche à 15h30
(relâche dim 12 nov)

Les Personnages de la  pensée loupe

Photo Tuong Vi Nguyen

 

Il serait vain de tenter de résumer une pièce de Valère Novarina et celle-ci encore moins.

Depuis l'origine, Novarina est un tritureur de mots, un diablotin espiègle qui mène (ou semble mener) une exploration philosophique, déguisée en fariboles, gags potaches et considérations plus ou moins obscures (plus ou moins claires) sur le langage, la pensée.

Ici, le verbe se fait chair. Chez Novarina, le corps est omniprésent : pas seulement celui des comédiens et comédiennes, mais le corps en tant qu'actant, oralisant de façon physique les mots. Il y a le cerveau, pâte molle et grise, la langue, les lèvres, tout ce qui "donne corps" à le pensée. Au risque de s'y perdre, bien sûr, sinon où serait le plaisir et vers quoi tendrait la pensée de l'auteur de L'Atelier volant ou de L'Opérette imaginaire.

Ce spectacle ne fait pas exception à la règle : il est foutraque, bordélique, inspiré parfois, brouillon souvent, mais un brouillon qui se revendique comme tel, qui soigne ses entrées et sorties, s'agrémente de tableaux de l'auteur (car il peint également) parodie avec justesse tel discours politique ou encore telle réunion entre patron (l'ineffable M. Boucot) et ses salariés déçus qui voudraient bien savoir ce qu'est la Bourse, pourquoi le profit... On leur répond : « Vous êtes bêtes, alors taisez-vous ! »

Il n'y a pas vraiment de ligne directrice. Quand on croit l'avoir trouvée, l'auteur-metteur en scène nous entraîne ailleurs, au gré de sa fantaisie ou d'une logique connue de lui seul. Même s'il n'hésite pas à se citer, voire à rependre telle ou telle scène ou chanson d'un spectacle antérieur, il est certain que Les personnages de la pensée ravira les aficionados de Novarina. Elle en agacera d'autres mais, après tout, n'est-ce pas le règle du jeu théâtral et du jeu tout court.

Le fidèle Christian Paccoud (ci-devant musicien et accordéoniste) est de la partie et il la tient avec un grand sérieux.

Les comédiens (on a dû leur dire dès le début) n'auront pas de personnages à défendre : ils auront à malaxer, à recracher, à proférer la prose novarinienne. La plupart s'en sortent très bien : une mention spéciale pour Manuel Le Lièvre qui obtient un petit succès personnel avec la scène du professeur évoquant "la disparition des genres".

Jeux de mots, détournements, fausses citations, abus d'énumérations de noms de personnages qu'on ne voit pas et que l'on peut juste imaginer, le contrat est rempli : à noter que le spectacle est sauvé, et comment, par le jeu des comédiens et comédiennes, tous concernés et motivés, tous présents.

L'auteur, habile dramaturge, pratique l'art de commencer de façon baroque et surprenante une saynette et de la finir par une chute, mais aussi, au plus haut degré, l'art du teasing, façon « Vous allez voir ce que vous allez voir... » ou enore « Après ceci, voilà autre chose de complètement différent, mais plutôt intéressant ! »

Novarina est-il un digne successeur d'Artaud ou un épigone de Tardieu et Ionesco (mâtiné d'un soupçon de Boby Lapointe) la question restera posée. 

Mais si certains spectateurs rient et participent, semblant adoooorer véritablement, d'autres font grise mine et ne reviendront pas pour la deuxième partie de ce (long) spectacle. On aime ou on déteste.

On peut aussi être plus mitigé, avoir déploré des facilités et apprécié à moitié la pièce, voire un peu plus. Pas si mal.

Gérard Noël

 

Les Personnages de la  pensée

Texte, peintures et mise en scène :  Valère Novarina.
Collaboration artistique : Céline Schaeffer

Avec : Valentine Catzéflis, Aurélien Fayet, Manuel Le Lièvre,Sylvain Levitte, Liza Alegria Ndikita, Claire Sermonne, Agnès Sourdillon, Nicolas Struve, René Turquois, Valérie Vinci et les musiciens Mathias Lévy et Christian Paccoud

Musique : Christian Paccoud
Lumières : Joël Hourbeigt
Scénographie : Emmanuel Clolus
Dramaturgie : Pascal Omhovère avec Adelaïde Pralon et Isabelle Babin
Costumes et maquillages : Charlotte Villermet assistée de Corentine Quesniaux
Réalisation costumes : Nelly Graillot et l'Atelier Costumes de la Colline
Direction des choeurs : Armelle Dumoulin
Assistante de l'auteur : Laura Caron
Répétiteur : Loman Masmejean
L'ouvrier du drame : Richard Pierre
Régie plateau : Elie Hourbeigt