L’INJUSTE
Théâtre de la Renaissance
20, Bd Saint-Martin
75010 Paris
Jusqu’au 4 mai
Du mardi au samedi à 19h
Dimanche 15h00
Crédit Photo : Jonty Champelovier
Un banquier très… in-juste !
Voici une pièce qui est profondément d’actualité et ceci à plus d’un titre : janvier 2025 est une période de commémoration internationale dédiée à la mémoire des génocides et l’anniversaire des 80 ans de la libération d’Auschwitz-Birkenau. Parallèlement à ces faits historiques, des débats demeurent, au niveau mondial, avec une persistance de l’antisémitisme nourri par des conflits israélo-palestiniens récurrents, et l’intervention de penseurs et d’analystes politiques comme Hannah Arendt…
L’Injuste s’inspire de l’existence réelle du banquier suisse François Genoud auquel Pierre Péan avait déjà consacré un livre L’Extrémiste en 1996. Les quatre auteurs, magnifiquement inspirés et dirigés par Alexandre Amiel, nous plongent dans un thriller haletant qui secoue notre sensibilité et nos certitudes idéologiques…
1993, dans un bunker perdu au milieu d’une forêt suisse, François Genoud, le détenteur des droits d’auteur d’Hitler et Goebbels reçoit une jeune journaliste d’un quotidien israélien, Sirin Shiloah, pour une interview qu’il veut être son testament pour l’histoire. S’ensuit un duel tendu où la vie personnelle des deux protagonistes va faire l’objet d’un vrai roman policier, au suspens décapant.
Nous sommes à table, face à un mille-feuille énorme et étrange où s’entremêlent la « pâte » de la Grande Histoire et la « crème » des destins intimes… Chacun a faim et veut manger l’autre ! Lors de ce festin cruel, entre le Fauve et la Gazelle, les répliques fusent, magistrales, portées par deux comédiens exceptionnels ; le Grand Jacques Weber au talent si redoutable et au charisme si convainquant qu’il nous rend quasi sympathique et touchant cet abominable personnage. Ce Puissant Jacques/François possède à merveille l’art de la justification et nous embarque avec tant de charme, d’humour et de conviction dans sa dialectique si subtile qu’on serait tenté d’adoucir notre révolte face à ses atroces manipulations. Il faut l’admirer, aussi, pour sa grâce, lorsque ce corps imposant entame le Dabké, étrange danse orientale, où il virevolte avec « presque » légèreté ! Un Weber au sommet de son art !!! Quant à Élodie Navarre, elle campe une Sirin particulièrement brillante qui étincelle sous le feu des répliques fulgurantes de ce pervers habile et séducteur qui essaie de la piéger et de la déstabiliser avec des révélations sur ses origines…
À noter la mise en scène créative de Julien Sibre, d’une efficacité redoutable, qui apporte une profondeur bouleversante à cette magistrale confrontation. Un spectacle extrêmement fort dont on ne ressort pas indemne et quelque peu ébranlé par un texte d’autant plus puissant qu’il évite les clichés manichéens…
Anne Revanne
L’Injuste
de Alexandre Amiel, Yaël Berdugo, Jean-Philippe Daguerre, Alexis Kebbas
Avec Jacques Weber et Élodie Navarre
Assistante mise en scène : Valérie Alane
Décors : Camille Duchemin
Accessoires : Capucine Grou-Radenez
Costumes : Vanessa Coquet
Lumières : Jean-François Domingues
Musiques : Jérôme Hédin
Mis en ligne le 1er février 2025
DERNIERS ARTICLES