J’AI RÊVÉ LA RÉVOLUTION
Théâtre de l’Épée de Bois,
Cartoucherie de Vincennes
Route du champ de Manœuvre
75012 Paris
Jusqu’au 8 mars
Jeudi et vendredi à 20h30,
samedi à 17h et à 20h30,
dimanche à 17h
Paris 1789
Figure à moitié oubliée parce que femme, mais figure à graver dans les mémoires en exemple, telle était Olympe de Gouge, formidable femme parmi les milliers de femmes invisibles qui firent la révolution, qui furent la révolution, qui en moururent aussi. Car Olympe meurT de la cause à laquelle elle croit par-dessus de tout, comme beaucoup de révolutionnaires en meurent, mais sans jamais se repentir de cette foi sans limite en la libération du peuple, en la justice du peuple, et en l'égalité des hommes et des femmes, des blancs et des noirs.
En écrivain, elle s'est battue dans tous ces combats contre un régime qu'elle savait injuste comme contre d'autres révolutionnaires encore englués dans les mentalités d'une société sexiste. Au départ, elle n'est que la fille de la petite bourgeoisie commerçante de Montauban, marié à un vieux riche, sans doute violent dont le meilleur acte fut de mourir un an après le mariage arrangé, la laissant avec un fils nouveau-né, qu’elle emmène pour venir s'installer à Paris. Là, elle écrit. Elle s'exprime aussi au théâtre, formant une troupe avec laquelle elle interprète des pièces politiques. Elle fréquente tous les milieux. Elle vit très librement, aisément, et pourtant elle fait partie intégrante de la grogne énorme qui va changer l'ordre du pays. Et ses écrits ne traitent que des grands thèmes qui vont organiser notre société.
Catherine Anne fait surgir Olympe de Gouges dans les derniers jours de son existence, en prison. Sa geôle est représentée par le décor très angoissant d'Élodie Quenouillère : trois gigantesques murs de chemises d'hommes, ocre, se dressent. On croit y voir des regards qui surveillent, mais aussi des corps sans tête, toute une série de rayonnages aussi méticuleusement rangés qu'une bibliothèque (Un humain n'est-il pas un livre ?). Au bas de ces murailles flottantes, comme animées d’une vie moribonde, la cellule d’Olympe (incarnée par Catherine Anne) et le logement du gardien de prison et de sa mère. Ce sont les trois principaux protagonistes de cette histoire, inventée d’après la vie et les écrits de la révolutionnaire.
Elle attend son procès. Et en attendant ce procès auquel elle aspire comme à une tribune où elle va pouvoir défendre une nouvelle fois ses idées, elle échange au fil des jours avec ce gardien, puis avec sa mère. Plus qu’un échange, ce sont des convictions qu’elle porte et qu’elle transmet. Et sa lutte pour l’égalité des droits, son combat contre l’esclavage, et toutes les autres causes qui forment la justesse de sa pensée finissent par faire leur œuvre et incitent ce fils et sa mère à penser par eux-mêmes. Vraie vertu de la parole.
Catherine Anne crée, avec sa fougue habituelle, un caractère hors norme qui surprend sans cesse par sa vitalité et qui donne une idée juste de la force de conviction de son modèle. Un si grand amour des mots, des humains et de la transmission la porte !... que malgré l’inéluctable machine à broyer les individualités que la révolution à engendré, on goûte comme par contagion cette foi en l’intelligence des hommes et leurs capacités à évoluer, dans le bon sens.
Longtemps après avoir quitté le théâtre on reste baigné par l’immense bienveillance que le spectacle diffuse sur tous les personnages, même pour les ténébreux de l’’histoire, et même pour les injustices sanglantes de l’Histoire, la grande. Une bienveillance née de la vision de Catherine Anne qui traite avec la même humanité l’héroïne et ses bourreaux, volontaires ou involontaires. Une vision de ce que peut la scène quand elle s’oblige à montrer le monde sans jugement, laissant libre le spectateur.
Longtemps après avoir quitté le théâtre, donc, et replongé dans l’actualité du moment, je suis troublé par ce qui semble comme la prolongation de la pièce avec le sabordage de l’assemblée nationale par le 49.3, avec la condamnation populaire médiatique qui se déchaîne et tient lieu de justice pour un film, et cela fait du bien tout à coup, d’avoir pris une bouffée d’espoir en l’homme, même assemblé en foule, bouffée venue du XVIIIème siècle, jusqu’à nos jours où les lumières manquent tragiquement.
Bruno Fougniès
J’ai rêvé la Révolution
Édition Actes Sud-Papiers
Texte et mise en scène : Catherine Anne
Co-mise en scène : Françoise Fouquet
Avec : Catherine Anne - La prisonnière, Luce Mouchel - La mère, Morgane Real - La jeune femme, Pol Tronco - Le jeune soldat
Dramaturgie : Pauline Noblecourt
Scénographie : Élodie Quenouillère
Création costumes : Alice Duchange
Création son : Madame Miniature
Création lumière : Michel Theuil
Maquillage, coiffure : Pauline Bry
Assistante scénographie : Nathalie Manissier
Assistante son : Auréliane Pazzaglia
Assistante lumière, vidéo : Anne-Sophie Mage
Construction décors : Christian Filipucci
Régie générale : Laurent Lechenault
Stagiaire costumes : Julie Carol Frayer
Mis en ligne le 5 mars 2020
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