ICI SONT LES DRAGONS
Théâtre du Soleil (La Cartoucherie)
route du Champ-de- Manoeuvre,
75012 Paris
01 43 74 24 08
Jusqu’au 27 avril 2025
Du mercredi au vendredi à 19h30
Le samedi à 15h, le dimanche à 13h30
Trois années ont passé depuis L’Île d’or. Pour Notre vie dans l’art, ce n’était pas pareil. La configuration du hall pour déguster un bortsch, la disposition du plateau puis Ariane Mnouchkine était à la traduction, non à la direction. Avec Ici sont les dragons, les spectateurs habitués cherchent à retrouver l’authentique saveur du Soleil. La petite madeleine de Proust est bien présente malgré des partis pris dramaturgiques décevants. Avec regret, cette première époque, 1917 : La Victoire était entre nos mains ne nous convainc pas totalement.
Certains critiques ont mis en doute l’exactitude historique de ce premier épisode, ce n’est pas ce qui m’intéresse ici, ni l’approche qui tend vers le didactisme. Ma question est plus poétique. Pourquoi avoir choisi des masques – dont, on loue la finesse – pour représenter les politiques, plus particulièrement le triumvirat Lénine-Staline-Trotski ? Il y a une évidence : les politiciens sont transformés en marionnettes, en persona historiques. Toutefois, les comédiens sont réduits à être de simples instruments, doublés de voix off russes et allemandes. La singularité, l’incarnation totale par les comédiens -dont on connaît l’immense talent – sont, par nature, impossibles. Seule l’intention de la farce ukrainienne, dont le sujet est la déclaration d’indépendance de l’Ukraine en 1917, justifie ce choix dramaturgique. Lénine ridicule en pyjama dans son lit est bousculé par la nouvelle jusqu’à en déchirer son oreiller.
L’épopée est bien là, pourtant ! Une trentaine d’artistes au plateau, plus d’une vingtaine de tableaux grandioses. Les images se succèdent les unes après les autres grâce au génie artisanal, propre à la troupe. Une tranchée apparaît puis est défaite en découvrant des tissus sur des tapis roulés, d’apparentes couettes deviennent une couche épaisse de neige… La force des grandes images inspirées des grands maîtres de la peinture nous embarque dans ce conte historique. Hélène Cinque en alternance avec Dominique Jambert, double d’Ariane Mnouckine, jouent la narratrice, écho aux sorcières shakespeariennes, les trois Babayagas, annonciatrices de la tragédie en cours.
On sort du spectacle mitigés, heureux de retrouver les marqueurs mais déçus de n’avoir pas été transis par le jeu de la troupe du Soleil. Il en résulte un propos mis à distance, froid et lisse, qui nous parvient de façon manichéenne.
Alexandra Diaz
Ici sont les dragons
Première époque
1917 : La Victoire était entre nos mains
Une création collective du Théâtre du Soleil dirigée par Ariane Mnouchkine, en harmonie avec Hélène Cixous (autrice)
Mis en ligne le 16 décembre 2024
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