Entête

ENCORE PLUS, PARTOUT, TOUT LE TEMPS

 

Théâtre de la Bastille,
76 ue de la Roquette,
75011 Paris.
01 43 57 42 14

Jusqu’au 27 mai 2022
à 20h, relâche les dimanches et le lundi 16 mai

 

Encore plus, partout, tout le temps loupe

Photo © Jean-Louis Fernadez

 

En 2019, "La Légende de Bornéo" de la même équipe, avait tout à la fois séduit et un peu agacé. Déjà, on y réfléchissait sur un thème, il était développé sur impros plus ou moins réussies et le résultat était à la fois foutraque et prenant.

Ici, deux thèmes sont "traités" de façon concommitentes : l'exploitation de la terre et la domination masculine. Bon. D'entrée de jeu, un certain Bernard, comédien-animateur en slip, avec micro, "fait" la salle : il anime, vaille que vaille, de sa voix grave et sourde ; il improvise, raille, drague, un peu... avant que le spectacle, in fine, ne commence.

Là, on nous annonce que tout, des costumes, (des toges romaines !) à la toile peinte du fond est récupéré. Les comédiens poussent des cris, style travail vocal d'un cours de théâtre et enfin, on y est. Fin du monde, pollution, un personnage craque. Quelque chose se passe, quelque chose d'éminemment théâtral. La suite va être plus mitigée : une soirée entre amis permet d'aborder le nœud du problème, une nouvelle façon de consommer : le hic, c'est que cette soirée entre bobos aligne des clichés... et que les choses, au lieu d'être suggérées, sont dites de façon crue et cash. Il y a des rires nerveux dans la salle. Il règle un petit côté café-théâtre, pas follement stimulant.

Cette discussion (un peu façon café du Commerce) met en opposition adeptes de la collapsologie et un autre personnage partisant du plaisir hic et nunc, à charge pour le spectateur de se faire son idée : Choisis ton camp, camarade ! pourrait être le mot d'ordre du moment.

Par la suite, et c'est là où le spectacle est malin, on aura cette même opposition entre des partisans de ci et des tenants de ça. L'ineffable Bernard fera un ou deux retours pour faire prendre du recul et critiquer cette scène que nous venons de voir.

Brecht pas mort, sa distanciation bouge encore !

De façon plus ou moins cohérentes, l'engagement en faveur de la planète et la critique de la phallocratie ambiante alternent.

Il y a de belles images, et des lumières magnifiques. Les comédiens sont tous parfaits, avec une mention spéciale pour Claire Dumas.

Judith Davis reprend la parole en tant qu'elle-même pour rajouter une partie plus ou moins autobiographique : une dernière scène mélange les deux thèmes, avec des clichés (encore !) et une forme d'autofiction théâtrale sommairement  justifiée : puisque ça nous est arrivé, c'est intéressant. Attention, message. On nous cite Anna Harendt ou Duras, un homme se demande à quoi il sert. Avec un autre homme, il se confie sur sa vie, ses espoirs, ses problèmes. Avant qu'ils se s'autorisent un câlin.

On finit par une superbe séquence que nous ne dévoilerons pas et qui boucle la boucle.

Au final, on aura apprécié nombre d'éléments et déploré le côté souvent premier degré. Mais après tout, ce patchwork a été pensé, il est assumé, il a les qualités de ses défauts et réciproquement.  Le public ne paraît pas bouder son plaisir.

À vous de voir, donc.

Gérard Noël

 

Encore plus, partout, tout le temps

Création collective
De et avec Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas, Nadir Legrand et Maxence Tual.

Scénographie : Kristelle Paré.
Lumières : Mathilde Chamoux.
Son : Isabelle Fuchs

Costumes : Marta Rossi.
Accompagnement du travail vocal : Jean-Baptiste Veyret-Logerias.
Régie générale : Jérôme Perez-Lopez.
Production : L'Avantage du Doute

Production, administration et diffusion : Marie Ben Bachir