ANÉANTIS
Studio-Théâtre
Comédie Française
Galerie du Carrousel du Louvre
99 rue de Rivoli
75001 Paris
Tél. : 01 44 58 15 15
Jusqu’au 5 décembre 2021,
de mercredi à dimanche à 18h30
Le lourd rideau du Studio-Théâtre glisse précautionneusement, de droite à gauche, pour nous faire découvrir en silence et douceur une belle icône orthodoxe au-dessus d’un grand lit, une imposante fresque murale représentant des femmes dénudées : il s’agit d’une chambre feutrée d’hôtel de luxe où un couple très improbable se retrouve pour passer la nuit. Leur relation s’avère tendue et trouble. Il exige des rapports, elle ne veut pas. Mais il a un pistolet et menace de s’en servir. Elle se laisse faire, puis s’en va. Dehors, c’est le chaos. Un soldat fait irruption. Il est armé, il abuse de l’homme. Et ce n’est pas encore la fin des brutalités…
Nous étions prévenus, certaines scènes peuvent choquer les sensibilités. Choc inévitable en effet, même si les actes sordides et les violences ne sont que pudiquement suggérés, et que les didascalies les explicitant sont lues d’une voix off neutre.
Ce texte plus que sombre de Sarah Kane laisse perplexe. Il explore les bas-fonds de la nature humaine et l’horreur est forcément au rendez-vous.
Mise en scène d’une mise en abime mise en contrastes : l’esthétisme des attitudes, costumes, décors, parfaitement propres et soignés jure totalement avec la monstruosité du récit. Sidérant.
En tout état de cause, les comédiens sont excellents, ils font le travail avec grande précision et professionnalisme, mais la distanciation leur est imposée. Raison de plus pour saluer leur déséquilibre étudié sur le fil du rasoir : Christian Gonon en pervers narcissique désabusé, Élise Lhomeau en victime désagrégée, Loïc Corbery en soldat déshumanisé.
Le metteur en scène et scénographe Simon Delétang cite judicieusement : « La violence n’est pas un accident de nos systèmes, elle en est la fondation. » – Slavoj Zizeck. À méditer, nécessairement…
Les spectateurs ayant reçu de plein fouet l’onde de choc “blasted” n’en ressortent pas indemnes. Ils s’interrogent, bel et bien anéantis.
Luana Kim
Anéantis
De : Sarah Kane
Traduction : Lucien Marchal
Mise en scène et scénographie : Simon Delétang
Avec : Christian Gonon, Loïc Corbery, Élise Lhomeau
Costumes et assistanat à la scénographie : Aliénor Durand
Lumières : Mathilde Chamoux
Musiques originales et son : Nicolas Lespagnol-Rizzi
Mis en ligne le 15 novembre 2021
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