Entête

LE CONSENTEMENT

 

Théâtre de la Ville, Espace Cardin
1 avenue Gabriel
75008 Paris
Tél : 01 42 74 22 77

Jusqu’au 30 novembre 2022  
tous les soirs à 20h

Puis du 13 au15 décembre 2022 : Théâtre Château Rouge, Annemasse.
Du 4 au 7 janvier 2023 : Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon

 

Le Consentement loupePhoto © Christophe Raynaud de Lage

 

Dire ses blessures prend du temps. Les comprendre également. Dans ces atteintes qui sont faites à la liberté d’expression des corps, la parole a du mal à s’exprimer. Viols, abus, harcèlements sont des coups que l’âme souffre à exprimer. Mais dans le Consentement, il n’y a pas que le corps qui soit meurtri en premier. Il s’agit d’une manipulation conjointe de l’esprit et du corps. Une marque au fer rouge sur celle ou celui qui la subit ne parvient peut-être jamais à effacer d’elle-même, de lui-même. Et comment arracher cette vérité de violence qui fait partie de soi ?

Trente ans après, le texte de Vanessa Springora raconte ce qu’elle a vécu et ce qui a survécu de ce passage entre les griffes d’un de ces prédateurs pédophiles qu’elle rencontra à treize ans. Trente ans pour que la parole puisse naître après que l’être ait pu se reconstruire. Se reconnaître. Se réidentifier. Il faut se retrouver avant de pouvoir à nouveau dire, se dire, se raconter.

Ce qui fait froid dans le dos dans ce monologue, c’est l’espèce de légitimité que la société accorde à ces pédophiles. Une légitimité consensuelle accordée en particulier dans certains milieux, et les milieux artistiques en particulier. Le Consentement raconte en effet les exactions d’un auteur parisien connu, membre du Gotha, que le texte de Vanessa Springora ne désigne que sous les initiales G. M.

On rejoint ici la révolte Me Too qui a secoué les consciences suite aux révélations des abus sexuels et autres viols commis par Weinstein. Un témoignage qui tente de donner à entendre à la fois le pouvoir énorme que peut avoir un adulte, et plus encore un adulte « renommé », puissant, sur une adolescente plus enfant qu’adulte, mais aussi l’étrange complicité de l’entourage. Une complicité due en partie au fait que voir un homme de cinquante ans s’amouracher d’une gamine de treize ans fait hélas partie de nos représentations sociales acceptable que ça soit en Occident, en Orient, en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient, partout en fait où la domination masculine a créé ses dieux.

Ludivine Sagnier entre dans ce personnage avec une simplicité, une belle humilité. On sent qu’elle puise en elle des écumes d’enfance plus que des techniques de comédienne. Des souvenirs, des sensations, qu’elle met en balance avec le personnage qu’elle interprète pour en ressentir et faire partager le douloureux caché sous l’accepté, le toléré. Car la blessure dite par Vanessa Springora est invisible, presque indicible, elle est ce Consentement qui empêche de hurler, de demander justice mais un consentement si forcé en fait, un viol consenti, obligé, toléré. 

Ce n’est pas l’hystérie qui est l’expression de l’insupportable que les femmes sont censées avoir, comme une certaine « culture » semble le penser. Il y a même, le temps ayant graduellement sapé la rage, une sorte de froide lucidité implacable, un calme apparent, dans la narration de l’abus, de la manipulation.

Et pas de procès, finalement, il n’y en aura pas et il ne peut y en avoir.

Mais l’expression, au moins, sur une scène.

Bruno Fougniès

 

Le Consentement

de Vanessa Springora est édité chez Grasset
Mise en scène Sébastien Davis
Création musicale Dan Lévy
Scénographie Alwyne de Dardel assistée de Claire Gringore
Lumière Rémi Nicolas

avec Ludivine Sagnier
Musicien - Pierre Belleville