Entête

37 HEURES

 

Théâtre La Flèche
77 rue de Charonne,
75011 Paris
Tél : 01 40 09 70 40

Jusqu’au 5 juin, les mercredis à 19h

 

37 heures loupePhoto © Marie Pétry 

 

Tiré d’un véritable témoignage, 37 heures nous parle de l’emprise d’un adulte sur une adolescente. Il nous parle également des effets boule de neige que ce traumatisme provoque et en premier lieu du déni allant jusqu’à l’amnésie complète de ces emprises, de ces viols répétés, de cette manipulation mentale. Une amnésie folle qui ne finit que 16 ans après le début de ces violences.

Pourtant, cette relation extrêmement toxique entre elle et l’adulte qui abuse d’elle, va durer plus de cinq ans. Cinq de viols, d’abus, de manipulations, d’humiliations qui commencent presque banalement par la première heure de la leçon de conduite par un moniteur d’auto-école deux fois plus âgé qu’elle. À ce moment, elle le trouve beau, viril, il parle bien, il semble bien l’apprécier, la considérer, et même la convoiter comme un homme convoite une femme, elle, la presque encore enfant. Au début, elle se sent flattée et attirée. C’est ainsi que peu à peu, leçons après leçons, elle tombe en son pouvoir.

La pièce, écrite et interprétée par Elsa Adroguer, va peu à peu dévoiler toute cette terrible histoire, par allers-retours entre le passé et le présent, comme une quête d’un souvenir perdu dans une mémoire opaque. Car elle est comme une aveugle dans le brouillard. Elle a tout oublié. Tout des 37 heures que durent ces cours de conduite, pire, tout des cinq années durant lesquelles elle subira des dizaines, des centaines de fois les viols.

Un phénomène apparemment courant après un choc violent pour la psychanalyse. Arrivée aux alentours de l’âge de 25 ans, elle sent bien que quelque chose cloche en elle. Une vie amoureuse en puzzle, des sensations étranges et surtout une série interminable de visites chez le médecin pour des maux pas très graves mais qui ne cessent d’empêtrer sa vie et se répètent, se répètent, à croire qu’elle les provoque elle-même. Que l’inconscient bouge terriblement.

Elsa Adroguer est seule en scène mais elle interprète avec talent plusieurs rôles en dehors de Camille, la jeune héroïne de la pièce : sa mère, son violeur, son avocate. Des bandes sonores recréent également des échanges avec sa meilleure amie, son meilleur ami de jeunesse. On suit ainsi le parcours de Camille, à la fois dans la lente démarche pour retrouver la mémoire de ce qu’elle a subi que dans ses démarches pour tenter d’obtenir justice pour ces crimes. Le texte d’Elsa Adroguer évite habilement de s’attarder sur le sordide sans pour cela le masquer. Elle parvient à donner de la légèreté à plusieurs scènes, un peu trop peut-être dans celle où elle incarne le violeur, et l’on sent que la vie sort finalement gagnante de cette épreuve si terrifiante qu’elle risque encore pour d’autres victimes, de rester impunie en raison de l’autodéfense que le cerveau humain fabrique face à l’insupportable.

Bruno Fougniès

 

37 heures

De et avec Elsa Adroguer

Collaboration artistique/aide au plateau Mikaël Teyssié / Pauline Bertani

Avec les voix Franck Mouget, Sylvain Galène, Philippe Du Janerand et Céleste Mouget

Lumières Paul Durozay, Matthieu Fays, Quentin Loyez

Scénographie Valentine Bougouin
Son / musique Création Sonore : Mathieu Desbordes
Dramaturgie Émilie Beauvais