SARINA pour Lève-toi

 

 

 

Sarina loupe

Photo Patrick Berger

Sarina, bonjour et bienvenue sur Regarts.org

Pour commencer, pouvez-vous présenter à nos lecteurs ?

Je m'appelle Sarina, j'ai 30 ans et je suis chanteuse et autrice-compositrice. Lève-toi est le premier spectacle que j’écris, et l’album qui en est issu est le troisième (ndlr il y a eu PREMIERE en 2019 et TEA TIME en 2022). J’ai une licence en psychologie, un master en musicologie et je suis diplômée en chant lyrique au conservatoire de Valencienne. Je suis née à Paris, très malvoyante et je vis en Belgique.

Actuellement, vous jouez le spectacle musical « Lève-toi » au Théâtre de Essaïon jusqu’au 21 mai 2025. Qu’est qui vous a poussé à monter sur scène ?

J’ai l’habitude de monter sur scène depuis toute petite, c’est ma grand-mère qui m’a transmis le virus. Elle était chanteuse de cabaret et avait une troupe avec ses anciens élèves. Grâce à elle j’ai grandi dans le milieu de la musique et derrière les rideaux. C’est après mon deuxième album que j’ai décidé de raconter mon histoire avec ce spectacle.

Pourquoi ce titre de « Lève-toi » ?

Ce titre renvoie à ma conviction que nous pouvons toutes, et tous, changer notre réalité, que ce soit à une grande ou une petite échelle. Dans le spectacle, je célèbre des chanteuses qui ont brisé le plafond de verre et je raconte mon combat pour sortir de ma boîte. C’est aussi est une invitation à chacun d’entre nous à faire de même...

Sur scène vous vous racontez… Quel a été votre premier contact avec la musique ?

J’ai 4 ans, c’est la première fois que je touche un piano. Je pense que je me souviendrai toujours de cette sensation. Ma grand-mère me prend dans ses bras et m’assoit sur le tabouret, je ne touche pas le sol. Elle me fait découvrir cet instrument merveilleux qui deviens très vite un allié, un ami. Depuis la musique a toujours fait partie de ma vie.

Comment le représentez-vous maintenant ?

J’ai la chance d’avoir fait de ma passion mon métier, et c’est un vrai bonheur de tous les jours. La musique est une compagne de travail que je pratique quotidiennement. J’écoute de tout et je suis une grande amatrice de découverte. La musique est un moyen de communiquer et de transmettre, c’est pourquoi, quand j’ai le temps, je l’enseigne aussi.

Vous interprétez onze titres dans ce spectacle. Comment s’est porté votre choix ?

Je ne voulais pas simplement choisir des chansons que j’aimais : je voulais célébrer des artistes qui m’avaient inspirée, qui avaient un combat, et surtout qui n’avaient pas attendu d’être passées à la postérité pour le défendre. J’étais aussi intéressée par l’aspect historique et contextuel, ce fut un an et demi de recherche et de tri… (un moyen de mettre en application ce que j’avais appris au conservatoire et dans mon master en musicologie). Les chanteuses qui figurent dans le spectacle sont celles qui m’ont le plus marquée.

Exclusivement des femmes !  Pourriez-vous également chanter l’homme ?

Évidemment ! Il y a énormément de compositeurs masculins que j’adore et que je chante. Pour n’en citer que quelques-uns, Sting, Philippe Lafontaine, William Sheller ou encore Phil Collins. Je n’exclus aucunement de chanter des hommes dans un prochain spectacle. Si j’ai choisi d’honorer des femmes dans Lève-toi c’est parce que j’y raconte mon histoire et que l’identification est plus évidente. Il est aussi vrai qu’il y a malheureusement toujours un combat à mener pour établir plus d’égalité au sein de notre société, mais je ne voulais pas d’un féminisme clivant. Ce qui me fait très plaisir c’est que finalement les messages du spectacle ont l’air de toucher tout le monde, sans distinction de genre ; et ça c’est déjà une victoire.

Toutes ces artistes femmes, qu’est qu’elles vous ont apporté dans votre vie ?

C’est exactement ce que je raconte dans le spectacle ; si vous voulez en savoir plus il faut venir le voir (rire) !  Je vois néanmoins quelque chose de commun entre elles : toutes ces femmes se sont montrées telles qu’elles étaient dans un milieu parfois très hostile, elles ont fait face à la ségrégation, à la pauvreté et au préjugé. En ce qui me concerne j’ai longtemps été réservée par rapport à mon handicap. Je voulais éviter d’être résumée à lui. Je me dis souvent que si elles y sont arrivées, je peux le faire également. Finalement, au-delà de tous les messages qu’elles nous ont délivrés, elles m’ont tout simplement aidée à oser me montrer telle que je suis.

Les avez-vous redécouvertes ?

J’en ai découvert certaines en préparant le spectacle, d’autres m’avaient bercée depuis mon enfance, comme Anne Sylvestre. C’est un bon exemple car j’avais écouté beaucoup son répertoire pour enfants et c’est en préparant le spectacle que je suis pleinement entré en contact avec toutes ces chansons et que j’ai découvert qui elle était vraiment.

Selon vous, quel est le point commun entre toutes ces voix ?

Je pense qu’aucune de ces femmes ne s’est levée un matin, en disant : « Je vais changer le monde ». Et pourtant elles ont toutes laissé une trace, il y a eu un avant et un après chacune d’entre elles. Ces femmes avaient un combat et c’était leur priorité. Leur voix a été entendu parce qu’elles ont su la pousser assez fort, la notoriété n’était qu’une conséquence de leur lutte.

Vous débutez le show dans le noir mais au fur et à mesure, grâce à votre interprétation, le spectacle s’illumine, se colorise…  Pourquoi ce choix ?

Je dois avouer que c’était un peu un pari… Dès le début du spectacle, j’ai décidé de poser le contexte : je suis né très malvoyante, et aujourd’hui je ne perçois plus que très légèrement la lumière. Avec ce début, j’ai décidé de plonger le spectateur dans ma réalité, sans long discours, de la manière la plus simple possible. C’est un exercice d’équilibriste à chaque fois, et je suis souvent étonnée des retours, et de ce que cela provoque chez les spectateurs qui sont complètement pris de cours et apprécient ce moment.

D’où tenez-vous cette force, cette sensibilité ? De votre cécité ou plutôt de la musique ?

Question difficile... Au début de ma carrière, j’avais tendance à rejeter en bloc le fait que ma cécité m’avait aussi façonnée musicalement. Il est clair que je n’ai absolument pas choisi la musique parce que j’étais malvoyante, je l’ai choisie parce que je l’ai tout de suite adorée. Mes compétences en musique ne sont en aucun cas dues au fait que je ne vois pas, et j’ai dû travailler énormément comme tous les autres musiciens. En revanche, ma cécité fait partie de ma personnalité. Aujourd’hui, j’ai donc abandonné l’idée de dissocier l’une de l’autre… En fait Je n’ai pas la réponse à votre question, et c’est peut-être là toute la beauté de l’histoire…

Êtes-vous parvenue à sortir de cette fameuse boite, à briser le plafond de verre ?

Je pense que j’y parviens chaque jour un peu plus, je l’espère en tout cas… Il y aura certainement de nouveaux obstacles et de nouvelles boites, mais je garderai toujours cette petite phrase… Lève-toi.

Propos recueillis par Jean Davy Dias