La Scala
13 Boulevard de Strasbourg
75010 Paris
01 40 03 44 30

Jusqu’au 28 janvier 2023.
Du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 15h.

 

 

 

Chrorégraphe et danseur, Edouard Hue ne s'interdit rien et il a bien raison. Il ose des mélanges, un patchwork gestuel tout à fait réjouissant.

Dans la première partie du spectacle, c'est à un pas de deux qu'il nous convie. Celui-ci est dansé par le chorégraphe lui-même et la danseuse Yurié Tsugawa. Sur une musique électronique rythmée, l'homme et la femme s'élancent sur scène : leur couple est parfois synchrone, parfois il se disloque pour mieux ensuite se retrouver. Les mouvements "frénétiques", sont une alternance de "rentrés" et "expulsés". Il y a des moments de "break", d'attente, pour mieux repartir ensuite. Ils dansent parfois à contre-temps, c'est à dire sans suivre la pulsation de la musique. Une pause nous signifie la parfaite proximité de l'état physique et de l'état émotionnel. Oui, la technique, transcendée, suscite une réelle émotion.

Ce couple est parcouru par le désir mais le rapport de force n'est jamais loin : quand il tombe, elle le relève, mais, semble-t-il, c'est pour mieux le rejeter ensuite.

Dans la deuxième partie, marquée par un "noir", neuf danseurs sont en scène. Le rythme est plus martial, presque militaire, entrecoupé d'échappées fantaisistes. En maillot de bain ou tenues colorées, les danseurs et danseuses se lancent ensuite dans un genre de partie de Go, concernant l'occupation de l'espace.

Parfois tous la troupe est dans un rapport frontal : ils sortent du rang un à un, luttant pour exister. Parfois le groupe éclate. Tout semble complètement "foutraque", alors que c'est bien sûr très organisé. Nous allons vers le summum, ça y est, nous y sommes : une longue séquence où ils jouent à se déshabiller, se rhabillant vite fait, obstinément... tandis que nous entendons des voix, celle de Trump et celle de Poutine.

Peut-être faut-il y lire le mélange du privé et du politique, un même maëlstrom qui emporte tout le monde, chacun dans sa quête d'existence, par exemple sur les réseaux sociaux. Parodie, gags, il fallait oser.

On est bluffé, ébahi. On n'en revient pas. Et pourtant si, avec une maîtrise parfaite, Edouard Hue nous entraîne (avec la complicité efficace des danseuses et danseurs) dans une tranche de vie, un coup de projecteur sur un monde qui ne tourne plus très rond. Même si il y a ensuite de la fatigue, des rapprochements, des couples qui pourraient se former, l'ensemble reste pessimiste : les pauvres spécimens humains rampent au sol avant de se relever péniblement . Et encore, pas tous.

Un spectacle qui ne se joue plus très longtemps, mais à voir, absolument.

Gérard Noël

 

Shiver / All I Need

Chorégraphie : Edouard Hue
Compositeur : Jonathan Soucasse
Costumière : Sigolène Pétey
Créateur lumières : David Kretonic

Danseur-euse.s : Alfredo Gottardi, Eli Hooker, Jaewon Jung, Lou Landré, Tilouna Morel, Rafaël Sauzet, Angélique Spiliopoulos, Yurié Tsugawa, Mauricio Zuniga

Production : Beaver Dam Company