CAR/MEN

 

Le Théâtre Libre
4 Boulevard de Strasbourg
75010 Paris
01.42.38.97.14 

Jusqu’au 30 janvier
Du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 16h

 

Car/Men loupePhoto  © TTSPICTURES

 

Après le succès fou de Tutu, Philippe Lafeuille et les Chicos Mambo se frottent à l’opéra le plus joué au monde : Carmen. On ne compte plus les versions de la nouvelle de Prosper Mérimée (1845), adaptée par Georges Bizet à l’opéra en 1875 : la femme fatale au destin tragique, devenue symbole de liberté, a inspiré de nombreux cinéastes et chorégraphes, il y a eu des Carmen cubaines, africaines, américaines – Beyoncé a même été l’une d’entre elle dans une version hip-hop ! – ... et ses airs ont été utilisés à plusieurs reprises dans des publicités.

Avec huit danseurs et un chanteur, la version de Philippe Lafeuille tient de l’espagnolade queer. On se joue des genres et, outre les robes volantées blanches à pois rouges, les accessoires utilisés sont exagérément espagnols tant ils sont grands : castagnettes, éventails, mantilles, peinetas, monteras et capotes de torero géants… La Compagnie propose une carte postale espagnole des plus originales – au sens figuré, mais aussi au sens propre avec ce merveilleux panneau inspiré des cartes kitsch illustrées par un couple de danseurs.

Les tableaux s’enchaînent et offrent une diversité de tons, de couleurs et d’intentions. Les spectateurs sont comme pris dans un tourbillon magnifiquement rythmé et varié où il est possible de passer du spectacle de clown à la tragédie. Ainsi, lorsqu’Rémi Torrado interprète de sa sublime voix de contre-ténor des airs comme « Près des remparts de Séville » ou « La fleur que tu m’avais jetée », des danseurs s’agitent autour de lui, tantôt en micro-slips, effectuant burpees et autre jumping jacks, tantôt, déguisés en fleurs, parodiant un spectacle scolaire. D’autres tableaux dégagent une émotion intense, comme ce face à face entre un homme nu – Samir M’Kirech – et un taureau l’interprétation en recto-verso du duo Carmen/don José par Antonio Macipe, illustration graphique de la passion, où l’amour et la mort sont les deux faces d’une même monnaie. La mise en scène est particulièrement soignée et l’on apprécie que les images projetées en fond de scène ne soient pas un simple accessoire : le dialogue des corps avec cet écran apporte réellement quelque chose à l’ensemble.

Les puristes des versions initiales de Mérimée et de Bizet seront sans doute surpris par l’audace, le fait que les airs habituels voisinent avec des rythmes plus contemporains, mais c’est là toute la beauté du spectacle. Et c’est précisément ici que se trouve l’hommage à Carmen, car si Carmen n’était pas un mythe, on ne pourrait pas se l’approprier, la reformuler, la resignifier, et faire qu’une œuvre vieille d’un siècle et demi réunisse une salle pleine, jusqu’à la standing ovation. Philippe Lafeuille et ses danseurs nous ont décidément bien « car/menisés » !

Ivanne Galant

 

Car/Men

Mise en scène : Philippe Lafeuille

Chanteur : Rémi Torrado

Danseurs : Antoine Audras, François Auger, Antonin "Tonbee" Cattaruzza, Phanuel Erdmann, Jordan Kindell, Samir M’Kirech, Jean-Baptiste Plumeau, Stéphane Vitrano

Chorégraphie : Philippe Lafeuille