Entête

L’INSTALLATION DE LA PEUR

 

Théâtre des Halles
Rue Noël Biret
84000 – Avignon

 

L'Installation de la peur loupe 

 

Sur un plateau blanc éclatant, en semi-équilibre, comme une arène de cirque inondée de lumière et un monsieur Loyal féminin qui organise le jeu avec l'aide de son pianiste. Tout de suite on repense à Berthold Brecht et à Kurt Weill et leur cabaret dans les relents nauséabonds du nazisme. La meneuse de revue et son pianiste sont là pour régler le jeu, battre la mesure, nous embarquer dans un récit métronomique

Sur la scène une jeune mère de famille et son fils, que l'on devine, et qu'elle veut protéger. On sonne à la porte, elle est angoissée, et arrivent, s'insinuent, s'imposent deux personnages, un technicien et un ouvrier qui sous des airs souriants et avenants viennent installer la peur. Installer la peur techniquement. Quelle proposition ! Pourtant elle fait partie d'un décret d'état, il faut s 'y résoudre. On sent la jeune femme coincée, muette, terrifiée.

Elle a peur pour son fils et cela la paralyse. L'installation a l'air technique, ils font tout pour en tout cas. On pense à ce moment-là à Brazil de Terry Gilliam. Pourtant elle est juste psychologique, mais la jeune femme se sent prise par cette proposition non contestable, elle est embarquée dans un processus irrévocable. La peur s'installe alors en nous, nous non plus ne pouvons y échapper.

L'action se déroule comme dans un film muet de Laurel et Hardy, les physiques des deux intervenants sont une référence, leur jeu aussi, mais ils ne nous transportent pas dans le rire, mais dans une sorte d'angoisse venue d'un autre temps. Notre époque est derrière, on n'est pas au cirque, on est dans une grande dramaturgie, dans une angoisse sourde au retour d'une période historique qui pointe son nez... on installe la peur sous nos yeux et on est impuissants. On ne peut détacher cette proposition de notre époque, c'est angoissant. Le final clôt bien le tout.

Alain Timar gère cette installation avec brio comme à son accoutumée, il jubile dans cette suggestion, on le sent fébrile pour tirer les ficelles d'un monde qui n'est point de théâtre, il met en exergue notre époque avec son lot de terreur sourde et de tromperies. Il nous entraîne dans une sarabande issue d'un passé qui n'est guère enfoui et qui ressurgit sans peine, il nous plonge dans la peur.

Les comédiens sont tous dans une justesse de jeu absolu. Ils portent le message sur le bout des doigts, ils nous transportent ainsi sans violence mais avec efficacité. Un beau moment de théâtre.

Jean michel Gautier

 

L'Installation de la peur

De Rui Zink
Mise en scène et scénographie Alain Timár
Adaptation Michael Stampe et Alain Timár
À partir du roman L’Installation de la peur

Avec Charlotte Adrien, Valérie Alane, Edward Decesari, Nicolas Geny

Lumières Richard Rozenbaum 
Musique Quentin Bonami et Richard Rozenbaum 
Costumes Sophie Mangin