MANUEL PRATT – CHUTE LIBRE

 

 La Factory/Théâtre de L’Oulle

Le 20 juin à 20h

 

Chute libre loupe 

 

Il fallait l’intelligence et la bienveillance de Laurent Rochut, qui a mis à disposition ses théâtres au cours de cette année.  Les artistes ont ainsi pu continuer de créer et travailler. Manuel Pratt ne s’est pas trompé puisque c’est le théâtre de l’Oulle qu’il a choisi, hors festival, pour jouer deux spectacles les 19 et 20 juin 2021.

Le 20 juin, il nous présente Chute libre. Des récits notés sur des morceaux de papier posés dans une casquette et tirés dans le désordre par les spectateurs.

De son sourire tendre et malicieux et de sa voix douce, il nous conte l’histoire d’un couple qui se rend au théâtre. Tout aurait dû bien se passer mais un petit grain de sable vient tout enrayer et le mécanisme général est contrarié, voire bien davantage...

Qui croit que l’on ne peut plus rien dire... Certainement pas Manuel Pratt. Un spectacle sans filet de rattrapage. Il est en scène très simplement, pas de gestuelle importante, pas de hauteur de voix, tout est dit de manière sereine, même dans la violence la plus franche, la plus perverse et les chutes sont percutantes et ciselées, là est sa force. Sa métamorphose est dans son attitude, son regard et son langage, c’est sidérant et jubilatoire. L’angoisse s’installe alors crescendo, et de cet univers glaçant on reste en haleine et en alerte de façon permanente.

Sept histoires qui nous entraînent, derrière l’apparence de la normalité, vers une folie qui émerge et dans laquelle chacun de nous pourrait se retrouver... que ce soit enfermé à tout jamais au fond d’une caisse ou dans un placard. Ses personnages n’ont aucune hésitation, ils vont de l’avant déterminés, telle cette agent immobilier qui se venge avec méthode et exactitude, ou ce passager de bus qui allez savoir pourquoi en vient à commettre un acte irréparable. N’oublions pas ce coiffeur d’une justesse poussée à l’extrême tout  comme ce chirurgien lui aussi obnubilé par la précision de ses actes. Il endosse tour à tour les rôles de victime et de bourreau dans un tournoiement de cruauté qu’il articule avec une belle méticulosité.

On rit beaucoup mais on frémit aussi, un spectacle qui en appelle au tréfonds du genre humain. Il met le doigt sur ce qui fait mal, dans les comportements de nos semblables ! L’absurdité est mise en évidence par un humour grinçant, dérangeant. Des textes peaufinés, cruels ou la violence la plus perverse est présente. Mais sa folie à lui est créatrice, il en fait  un spectacle dans lequel on se délecte. Son humour nous permet de prendre encore moins au sérieux les côtés les plus horribles. Pire, il nous fait rire de nos travers, il monte en épingle la stupidité humaine, le manque de cœur.

Croyez-moi Messieurs, vous n’irez plus chez le coiffeur aussi détendus...

Nos frères humains pourtant ont tous l’air fréquentable, mais tout bascule quand on découvre ce qui dort plus ou moins dans leur tête.

Ces textes nous restent en mémoire bien après qu’on l’ait quitté, pourvu qu’on les oublie avant de s’endormir.

Fanny Inesta