LA PARENTHÈSE DU MIMOSA

 

Théâtre L'Optimist
Rue Guillaume Puy
84000 AVIGNON

Du 7 au 31 juillet 2022

à 13h45

Relâches : 13, 20, 27 juillet

 

La Parenthèse du mimosa loupe 

 

Franck est seul dans ce bar encore ouvert au milieu de la nuit, où seule une musique aux accents africains l'accompagne. Dehors, une pluie torrentielle à ne pas laisser un chat dehors.

Franck, derrière son zinc, boit, range, grogne. Il a des allures de capitaine d'un cargo revenu de tous les voyages, un peu usé, un rien fatigué, l'air désabusé. Le bar des mimosas, un nom aux allures de gardiens paisibles, qui évoque le soleil, le miel et la vanille donne pourtant envie de s'y poser.

Soudain, une jeune fille entre, elle veut boire un verre, se réchauffer, elle cherche du travail. Franck la rabroue, elle le dérange, il veut être seul.

Une mosaïque d'échanges contrastés, des bribes de vie graves ou banales se dessinent, prenant peu à peu toute la place. Comme une horloge qui d'un coup s'accélère, nous intégrons l'intimité des personnages et leurs pensées. S'engage un huit clos entre ces deux dont on ne sait pas grand-chose. Ils se heurtent, s'explorent et s'égratignent jusqu'au bord du gouffre. Quelle issue cette partition va-t-elle trouver ? Ce rythme fait de silences et de paroles anodines qui basculent soudain, nous happent, chacun cachant ses secrets et ses fêlures, où la tension devient palpable et ne se relâche pas. L'écheveau de leur vie aux portraits complexes se déroule et se dénoue et nous entrons dans leur intimité comme coupés du monde.

L'Afrique est présente, Franck la connaît bien, une Afrique déchirée, rebelle et digne où il a vécu autant le pire que le meilleur, il en reste imprégné même si le temps a passé...

Les comédiens distillent par leur jeu une tension et une pression psychologiques palpables en permanence, la situation pouvant basculer à n'importe quel moment, sans jamais deviner l'issue surprenante.

Jean David Stepler et Marie Ronarc'h ont une forte présence, ils sont si sombres et si lumineux que l'on ne voudrait plus les quitter. On ne voit pas des comédiens mais des personnages, instants magiques que l'on aimerait trouver plus souvent dans le théâtre.

Du beau travail qui nous permet de savourer l'écriture soignée et riche de sens de Grégoire Aubert, un texte poignant, et deux comédiens stupéfiants de sincérité. Une monstrueuse histoire racontée avec beaucoup d'émotion où des pointes d'humour surgissent et font mouche.

La scénographie voulue par David Teysseyre recrée l'espace à la fois intime et universel où se livre la tragique bataille humaine dans une animation cinématographique syncopée sous la musique sélectionnée par Benjamin Civil qui nous transporte de l'Afrique à l'Amérique avec la trompette de Miles Davis.

La lumière de Vincent Lemoine découpe l'espace scénique en tableaux filmiques qui propose au spectateur les différents plans du jeu dramatique.

Un conseil : Allez voir cette pièce dès le début du festival, gageons qu'elle sera très vite complète !

Pensez à réserver !

Fanny Inesta

 

Une rencontre dans la nuit sur fond de musique africaine

 

La nuit est bien entamée, c'est une nuit noire déchirée par la pluie qui tombe en abondance, pas une étoile, juste le bruit incessant des gouttes d'eau qui frappent les vitres.

Dans un bar à l’ambiance africaine un homme, Franck, est seul il range et boit , il boit et range, il prépare le bar pour l'ouverture. Soudain brutalement rentre une fille trempée, elle veut boire mais Franck ne veut pas être dérangé, il ne veut pas la servir. Débute un face à face dont l'issue semble bien inscrite par avance. À cela s'ajoute un autre partenaire : l'Afrique où a vécu Franck et qui l'a profondément marqué. Afrique du fantasme mais aussi de la douleur, des douleurs en tout genre qui ont marqué Franck à tout jamais.

Une succession de scènes comme les scènes d'un film avec ses mouvements de caméra et ses plans qui projettent les personnages l'un contre l'autre, ses champs contre-champs. Quel mystère se trouve entre eux deux ? Pourquoi Anne est là ?

On assiste à un duel où tous les coups sont permis où l'issue est un secret bien gardé qui va exploser à la figure de notre grincheux.

Franck est un vieux atrabilaire qui a bourlingué toute sa vie, qui s'est immergé dans le continent africain et qui a été marqué au fer rouge.

Pourquoi il est parti las bas, quelle galère fut sa vie ?

Et Anne qui est-elle pourquoi est-elle là insistante et secrète ? D'où sort-elle ? Que veut-elle ?

Sûrement pas boire un coup, ce serait trop simple et sans  intérêt.

Jean David Stepler en vieux routier est comme un coq en pâte dans ce rôle qui lui colle à la peau, il est grincheux, abrupt mais aussi déchiré, marqué.  Cet homme qui a couru l’Afrique en garde des séquelles comme des cicatrices sur la peau. On sent que chaque verre qu'il avale est là pour l'aider à déglutir son mal être. L’Afrique l'a marqué profondément, mais il n'arrive pas à s'en défaire comme les crocs d'un chien dans le bas du pantalon qui ne veut pas lâcher sa prise. Jean David garde en lui ces marques et cela lui donne une véracité, un poids qui transparaissent à la scène.

Marie Ronarc'h la jeune fille a toujours un air perdu, elle cherche quelque chose qu'elle garde secrète, on la sent elle aussi perturbée, sur ses gardes alternant sourires et fixation interrogative. Elle est admirable dans son jeu, si vraie, un vrai joyau bien pur.

David Teysseyre le metteur en scène a conçu la pièce comme un film avec les effets de la technique cinématographique. Les scènes sont bien découpées, toniques, pas un temps mort, les enchaînements sont intelligents dans cet esprit et fonctionnent à merveille.

Merci à Vincent Lemoine pour ses lumières si précises.

Benjamin civil a sélectionné et utilisé une ambiance musicale qui part de la musique africaine pour se fondre dans le jazz donnant une cohérence évidente au récit.

Une magnifique pièce de Grégoire Aubert (encore une) qu'il faut courir voir dès le début du festival dans son écrin, elle va marquer le panorama théâtral.

Jean Michel Gautier

 

La Parenthèse du mimosa

De Grégoire Aubert

Avec Marie Ronarc'h et Jean David Stepler

Mise en scène : David Tesseyre
Lumières : Vincent Lemoine
Musiques sélectionnées : Benjamin Civil
Crédit photos : Fabrice Sabre