NO WAY, VÉRONICA

 

Le 11
11 bvd Raspail
84000 Avignon
Tél : 04 84 51 21 10

à 15h15

Du 7 au 29 juillet

Relâche les 12, 19 et 26

 

No Way, Véronica loupe 

 

Du plateau envahi de ténèbres brumeuses surgit d’abord un son : celui d’un pas lourd et pesant dans la neige, ce crissement, dans une neige épaisse. Apparaît alors au lointain une silhouette enfouie dans une combinaison blanche qui se déplace à pas prudents et s’avance, accompagnée de ce crissement glaçant des flocons qu’on écrase, puis se fige. Le son d’un nouveau pas dans une neige aussi épaisse et un deuxième personnage engoncé avance péniblement. Puis un troisième, un quatrième. Les quatre viennent se figer face à nous, en contre-jour.

Ils sont dans une station météo isolée sur une banquise perdue au fin fond de l’Antarctique. Ces hommes, un peu comme des militaires dans un bastion isolé, entouré d’une nature hostile, attendent la relève qui n’arrivera que d’ici quelque mois. Une vie recluse, faite de missions dans le froid glacial du pôle et, parfois, de moments de détente et de convivialité comme cet anniversaire qu’ils organisent dès le début de la pièce. Anniversaire bon enfant, surprise, pour ces hommes frigorifiés.

Mais au bout d’à peine quelques minutes, dès que l’un des personnages se met à égrener les noms des personnes censés être là dans cette station météo, quelque chose de fêlé apparaît dans le texte. Dans cette suite de personnages, on saisit au vol les noms de Peter Falk, James Mason, William Holden parmi d’autres, et puis : Gina Lollobrigida dans le rôle de Véronica Evans. C’est un défilé d’acteurs de films et de télévisions américaines, des années Hollywood. L’histoire bascule immédiatement dans une folie assumée.

Commence alors un spectacle original et corrosif. Il est basé sur un texte qui semble impossible à monter. Écrite à la fin des années 80 par Armando Llamas, la pièce No Way,Véronica (ou Nos Gars ont la pêche), qui fait partie du recueil Quatorze pièces piégées, demanderait quelques dizaines de comédiens, une banquise, un hélicoptère, un pingouin, une soucoupe volante… bref, des moyens totalement démesurés pour un plateau de théâtre.

Il a fallu que Jean Boillot trouve une idée surprenante pour réaliser ce spectacle : utiliser presque exclusivement le son pour rendre perceptible toutes les scènes de cette aventure loufoque. Les quatre interprètes se distribuent les tâches pour à la fois interpréter physiquement mais surtout par la voix et la musique, toutes les scènes.

À la narration, au chant et au synthé, Jean-Christophe Quenon nous guide de sa voix grave et chaude dans toutes les péripéties de cette aventure. Aux bruitages, principalement de la bouche, et au jeu, Philippe Lardaud, tel un magicien de studio nous emporte au bord des vagues, dans les tempêtes, sous les pâles d’un hélicoptère ou devant un feu de cheminée. Hervé Rigaud, sa guitare, son chant, ses accents rock, ses rifs toniques sont des pulsations qui irradient le spectacle. Quant à Isabelle Ronayette, elle donne sa voix à presque tous les personnages (et il y en a beaucoup, dont la dangereuse Véronica !). Elle possède un talent à faire pâlir, une dextérité impressionnante, un sens de la dérision bienfaisant.

Mais il serait trop réducteur de réduire No Way, Véronica à un spectacle radiophonique. La partie visuelle, jouée et interprétée est elle aussi très développée avec des lumières qui nous projette dans les différentes ambiances de l’histoire. L’histoire… oui, parlons-en. Histoire folle, foldingue, totalement irrévérencieuse, incorrecte, misogyne autant que pleine d’une belle vitalité. Inspiré par le film The Thing, l’action raconte l’arrivée, au milieu de ce bastion météorologique homosexuel, de Véronica, stéréotype de la vamp nymphomane, telle une alien horrible, qu’ils doivent repousser indéfiniment…

La pièce est une caricature des clichés des années 80, aussi bien cliqué sur les hommes que sur les femmes, une gigantesque farce pleine de clins d’œil cinéphiliques, débordante de fantaisie, de rires, et deuxième degré.

Un sens du degré nécessaire pour s’évader pendant une heure avec les quatre interprètes dans un monde fantastique, imaginaire et très rock. Et un peu de fraîcheur en juillet à Avignon, ce n’est jamais de refus. Vous pouvez y aller, yeux et oreilles bien ouvertes.

Bruno Fougniès

 

No Way, Véronica

Texte - Armando Llamas
Mise en scène - Jean Boillot

Avec Isabelle Ronayette , Jean-Christophe Quenon, Philippe Lardaud, Hervé Rigaud

Création musicale, avec la complicité d’Hervé Rigaud et de Jean Christophe Quenon : David Jisse
Lumières : Ivan Mathis
Sonographie : Christophe Hauser
Costumes : Pauline Pô

Ce spectacle est dédié à la mémoire de David Jisse