Entête

TRIGGER WARNING

 

Théâtre Paris-Villette

Jusqu’au 3 juin 2023
Mardi, mercredi, jeudi & samedi à 20h, vendredi à 19h et dimanche à 15h30

Trigger Warning loupe

 

 

Trigger Warning, message prévenant qu’un contenu peut déclencher le surgissement d’un traumatisme. Cette alerte n’empêche pas la diffusion du contenu et des victimes. Cette pièce écrite par Marcos Caramés-Blanco explore les méandres des réseaux sociaux à hauteur d’adolescents.

Déroutante et irritante, l’écriture décompose nos actions programmées, intégrées. Clic, smiley, swipe sont répétés à l’infini. Le mot mis sur l’action silencieuse souligne notre transformation en automate. Peu à peu, ce nouveau langage devient une habitude. Le langage n’est plus le garde-fou de ce comportement, lui-même devient neutre. Il est traversé par les mots des adolescents qui tordent le sens premier. Ainsi, cette langue devient étrange et singulière.

Elle mange l’action dramatique qui tourne en rond, ce qui crée quelques longueurs. La trame est sans surprise. Le spectateur comprend rapidement qu’au bout du tunnel advient la chute du personnage principal, incarné par un jeune talent exceptionnel, Lucas Faulong. Son jeu est subtil, profond et nuancé, rien n’est en force, c’est si rare. Toujours sur le fil, le texte semble avoir été écrit pour lui.

Trigger Warning souffle un vent de renouveau sur la scène théâtrale. Avec leurs mots, il donne une vision sans caricature de la violence en ligne. Lucas Faulong et Marcos Caramés-Blanco sont à suivre.

Alexandra Diaz

 

Par une nuit d’insomnie, « Zed » – comme la génération Z – navigue sur son téléphone pour tromper le temps. Code bon, swipe up, swipe up, swipe up, bouton central, écran noir, les tiktok s’enchaînent avec les réseaux (qu’on dit) sociaux et les extraits musicaux dans une ronde de néant et de solitude. L’auteur Marcos Caramés-Blanco et la metteuse en scène installent sur la scène théâtrale la vie sur smartphone. Il est vrai qu’il est question de paraître et de masques, de tragique et de destins qui basculent, de vie et de mort. De violence surtout, de l’incroyable et facile violence qui permettent les messages numériques et à laquelle les adolescents sont biberonnés. Que dire quand on n’a rien à dire ? On ne parle pas, ça va trop vite, c’est trop haché, les signes sont comptés, il faut des images chocs. Swipe up, swipe down. Alors il n’y a plus que le sexe et les insultes. Des nudes, des bites et des suceuses. Quelques émojis cœur ne suffisent pas à adoucir la désespérante indigence d’une existence sur écran. Et rien de tel qu’un spectacle bien vivant comme Trigger Warning1 pour le faire sentir.

Frédéric Manzini

 

1. On pourrait traduire par « Message d’avertissement » mais ce n’est pas exactement cela. Un trigger warning ne se contente pas d’informer d’un contenu à venir qui pourrait heurter la sensibilité du public, mais plutôt de sa capacité à redéclencher le souvenir d’un traumatisme psychologique (inceste, pédophilie, agression, …) qui pourrait donner lieu à une crise d’angoisse ou de panique.

 

Trigger Warning (lingua ignota)

de Marcos Caramés-Blanco
Mise en scène : Maëlle Dequiedt
Avec : Lucas Faulong et Orane Lemâle