Studio Marigny
Carré Marigny
75008 Paris
01 86 47 72 77

Jusqu’au 30 décembre 2022
Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 15h

 

 

 

Critique de Gérard Noël

Après plusieurs spectacles (Open space, Le banquet, Monsieur X...) Mathilda May poursuit son travail théâtral : il s'agit comme dans ses autres opus, d'un mélange savant de chorégraphie et de jeu de comédien. Tout est écrit, au cordeau, et les comédiens (inspirés) donnent vie à ces tranches de vie circonstanciées... ici nous sommes dans un car-loge de maquillage pour un tournage en plein hiver et sous la neige.

Une autre originalité de ce spectacle, c'est qu'on n'y parle pas : on y pratique le "grommelos", ou "yaourt", sorte de sabir sans vrais mots mais que l'on comprend grâce aux inflexions et au jeu des comédiens; Car c'est là l'essentiel : les corps parlent. Ils racontent des vies, des jalousies, des moments de gêne, d'extase ou de fatigue : ici, on a froid, on est fatigué et on dort, on s'ennuie et on bâille.

Outre le maquilleur (blanchi sous le harnais et qui en a vu d'autres), il y a la maquilleuse, affligée d'un mal de dos tenace. Ils sont à la fois les nounous et les souffre-douleur des "autres", à savoir le grand premier rôle masculin, le grand premier rôle féminin, plus un second rôle (excellent Arnaud Maillard) et le premier assistant et...

Pour qui est un tant soit peu du métier, tout y est : la fascination des acteurs pour leur image, les raccords in extremis, les idées de changement que chacun peut lancer, les "films" que chacun se fait et qui sont ici matérialisés par des ralentis... avec changement de lumière. Sur la base de l'humain, car c'est ce qui passionne Mathilda May, elle ose tout : l'accéléré, le gros burlesque (façon cinéma muet) les effets de mime pur et ces moments suspendus où finit par se glisser l'émotion.

Comédienne elle-même, elle a retenu la leçon de Tchekhov : un personnage se définit par ce qu'il vit à l'instant, augmenté de ce qu'il a vécu la veille ou la semaine précédente et de ce qu'il est, de son existence même.

À partir de là et de façon inégale, nous entrons dans les têtes (et les cœurs) de ces personnages dessinés à gros traits, à la Daumier, mais qui s'affinent, se nuancent, prennent corps, et comment.

Finesse de Patrick Mazet en maquilleur, tonitruance de Yannik Mazzilli (comme échappé de Game of Thrones). Marc Maurille est très bien dans ses deux rôles, de même que Dedeine Volk-Léonovitch en maquilleuse.

« J'te f'rai plus l'plan d'la star... » chantait Adjani. Anouk Viale nous le fait et on en redemande : tout à tour écervelée, pro, joueuse ou rageuse voire tragique, elle est un des pivots de ce spectacle inclassable.. et fortement recommandé.

 

 

Critique de Frédéric Manzini

La vraie vie, parfois, se déroule à côté. Pas dans les salons mais dans les cuisines – et dépendances ! –, pas dans les réunions mais dans les coulisses ou aux machines à café, pas dans les cours mais pendant les récréations.

En l’occurrence, Make Up raconte une journée de tournage d’un film mais vue depuis le car-loge figuré par un décor de scène magnifiquement réussi. Les différents acteurs, assistants et réalisateur entrent et sortent au gré des prises, pour se réchauffer, se reposer, se faire coiffer ou se maquiller.

Mais la pièce offre surtout un huis clos propice aux interactions les plus variées entre les uns et les autres, parfois cocasses et parfois plus dramatiques, surtout lorsque le temps est suspendu, que l’éclairage change et que nous pénétrons dans l’inconscient de tel ou tel protagoniste…

Du film lui-même, il est difficile de se faire une idée précise. C’est d’autant plus difficile que Mathilda May a choisi pour cette pièce de… ne pas écrire de texte. Les comédiens n’échangent que des borborygmes, dont ils nous confieront après le spectacle qu’ils sont improvisés. Pour mieux laisser le public se concentrer sur les jeux d’acteur, le langage du corps et les déplacements ? Sans doute, et le défi est osé. Sans doute aussi la pièce est-elle très rigoureusement chorégraphiée dans l’espace étriqué ce car-loge. Reste qu’il est difficile de s’attacher sur la longueur à ces personnages et à l’intrigue de ce qui se situe entre un numéro de cirque et une sorte de théâtre muet. Une proposition étonnante mais peut-être plus amusante à faire qu’à regarder.

 

Make Up

De Mathilda May
Mise en scène : Mathilda May
Assistant mise en scène : Éric Supply
Scénographie : Emmanuelle Roy
Lumière : Laurent Béal
Costumes : Valérie Adda
Son : Guillaume Duguet
Musique : Sly Johnson

Avec : Arnaud Maillard, Marc Maurille, Patrick Mazet, Yannik Mazzilli, Dédeine Volk-Leonovicth et Anouk Viale.