LA RUE

 

Théâtre du Soleil
Cartoucherie de Vincennes
route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Tel : 01 43 74 24 08

Jusqu’au 25 septembre, puis du 5 au 10 octobre 2021
Du mardi au samedi à 20h30,
Représentation supplémentaire le dimanche 10 octobre à 16h

 

La Rue loupePhoto © Pascal Gely 

 

Le Théâtre du Soleil reçoit dans sa petite salle, dédiée aux répétitions avant l’épreuve du grand plateau, Marcel Bozonnet et sa compagnie Les Comédiens Voyageurs.

Isroël Rabon, poète vagabond et soldat de l’armée polonaise, grave dans ce texte son expérience de l’errance. La crasse, la noirceur de la ville sont en suspens telle une chappe de plomb, les spectateurs sont pétrifiés par le froid de cette dure Pologne. Le rêve, les souvenirs d’enfance et les cauchemars, se mêlent dans la tête du soldat halluciné. Les aiguilles de la grande horloge lui rappellent le rythme du pas militaire sous l’œil inquisiteur du gardien du square. Orphelin, le travail est son seul salut. La faim au ventre, il devient homme-sandwich pour un cirque. Le directeur véreux profite de sa vulnérabilité en lui faisant croire à 2000 marks. Ce spectacle est une déambulation où se succèdent scènes et rencontres.

La mise en scène fourmille d’idées. La noirceur des rues est projetée par la vidéo de Quentin Balpe où se mêlent profils des passants et grands bâtiments austères. Le trait blanc esquisse, pétrit la forme de la ville sur fond noir. À cette modernité s’ajoute le live électroacoustique de Gwennaëlle Roulleau qui accompagne l’histoire sans tomber dans l’écueil de la pure illustration.

La pluralité des voix intérieures du soldat sont également portées par des marionnettes subtilement animées par Jean Sclavis. Tous ces éléments prennent sens dans la dramaturgie. La nature diverse du texte n’est pas complexifiée par cette richesse.

Toutefois, la grande faiblesse de jeu fragilise l’immersion dans l’aventure. Ils semblent souvent à côté de ce qu’ils disent, hors-jeu. Cela nous éloigne du plaisir de l’histoire malgré la magie des marionnettes et du numéro de cirque. Il y a une déception à apercevoir ce potentiel pas toujours abouti. Des moments de grâce surgissent à quelques reprises, pourtant. Nous retrouvons le plaisir premier du spectateur ébloui par la virtuosité. La mise en abyme est belle lorsque le soldat devient spectateur au cirque face à la talentueuse circassienne. L’artisanat et la magie du théâtre nous emportent malgré un jeu décevant.

Alexandra Diaz

 

La Rue

D’après le roman d’Isroël Rabon traduit du yiddish par Rachel Ertel
Adaptation Jean-Pierre Jourdain et Marcel Bozonnet
Mise en scène Marcel Bozonnet en collaboration avec Pauline Devinat

Avec Stanislas Roquette (le soldat), Lucie Lastella (Josefa, artiste de cirque), Jean Sclavis (Le vieux marionnettiste juif)

Dramaturgie Judith Ertel | Marionnettes Émilie Valantin | Scénographie Adeline Caron | Costumes Renato Bianchi | Lumières Philippe Catalano | Live électroacoustique Gwennaëlle Roulleau | Vidéo Quentin Balpe