Lucernaire
53 rue N.D des Champs
75006 Paris
01 45 44 57 34

Jusqu’au 2 juin 2024
à 20h, du mardi au samedi,
à 17h le dimanche

 

 

 

C'est un Marivaux un peu différent qui nous est ici présenté. Pièce en un acte de 1725, avec une distribution forcément réduite : on y a l'essentiel : deux maîtres Iphicrate et Euphrosine et deux valets, Cléanthis et Arlequin. Plus Trivelin, meneur de jeu.

Si le début de la pièce évoque La Tempête, du vieux Will, on va voir que la suite est plus du domaine de la comédie. Mais pas que.

Qu'on en juge : dans cette île des esclaves, où règne Trivelin, ex-exclave lui-même, les valets sont devenus maîtres et l'inverse. Ce vieux thème cher à son coeur, Marivaux le pousse dans un sens quasi révolutionnaire : on verra donc des règlements de compte gratinés entre esclaves et maîtres, les premiers disant leurs quatre vérités aux autres pour "leur plus grand bien".

La pièce est savoureuse : par la grâce de ses personnages, bien sûr, mais aussi du ton, plutôt léger, qui multiplie (alors que le sujet pourrait ne pas s'y prêter) les trouvailles humoristiques ou brillantes. On entend ainsi :
— Il m'appelle quelquefois  Arlequin, quelquefois "Eh !".
— Tu es devenu libre, cela doit-il te rendre méchant ?
— Tu m'as battu par... amitié, je te le pardonne !

Le décor est magnifique : on est frappé dès le début par la recherche en la matière et le brio des éclairages.

Côté mise en scène, rien à redire : le tout est orchestré avec fluidité, allant et le résultat est efficace.

Laurent Cazanave (c'était lui Trivelin, ce soir-là) a l'autorité et la faconde requise pour un tel rôle. Sobriété et dignité pour Lucas Lecointe et Marie Lonjaret, les maîtres.

Lyse Moyroud se taille un joli petit succès en Cléanthis, la palme revenant à Barthélémy Guillemard qui semble né pour jouer (entre autres) Arlequin : il est vif et malicieux, bonhomme quand il faut et retors, un peu, car il faut ce qu'il faut.

Au final une soirée réjouissante, pour tous bien sûr.

Gérard Noël

 

L’Île des esclaves

De Marivaux.
Mise en scène : Stephen Szekely

Avec : Laurent Cazanave ou Michaël Pothlichet, Barthélemy Guillemard, Lucas Lecointe, Marie Lonjaret et Lyse Moyroud

Création musicale et sonore : Michaël Potlichet
Chorégraphie : Sophie Meary
Lumières : Jonathan Oléon
Costumes : EDLC
Scénographie : Juliette Chapuis