Entête

L'AMANTE ANGLAISE

 

Théâtre de l’Atelier
1 Place Charles Dullin
75018 Paris

Jusqu’au 30 novembre
Du mardi au samedi à 21h
Le dimanche à 15h

 

L’Amante anglaise loupe

Photographie © Pierre Grosbois

 

Un suspens très « suspendu !» …

 

Avec Marguerite Duras, on est toujours surpris, parfois emballé et quelquefois décontenancé...

L'Amante Anglaise n'échappe pas à cette impression contrastée. Claire Lannes a tué sa cousine Marie-Thérèse, sourde et muette, l'a découpée et a évacué les morceaux, un par un, en les jetant d'un pont dans différents trains... 

S'inspirant d'un réel fait divers : le meurtre de son mari pervers par Amélie Rabilloud – qui se vengeait de tant de maltraitance – Duras, reprenant le même modus operandi, en fait une pièce à double suspens : quel est le mobile, bien mystérieux dans ce cas de figure, du crime et où est passée "la tête" de la victime qu'on ne retrouve pas ?

Durant plus d’une heure, un interviewer, dans la salle, interroge le mari Pierre Lannes assis sur une chaise, en avant-scène, sur ses relations avec son épouse. Questions basiques sur leur rapport et leur style de vie, réponses en harmonie. Mais on apprend, révélation existentielle fondamentale, que Claire passe beaucoup de temps dans le jardin à contempler sa plante favorite "la menthe anglaise", nœud gordien puisque devenu, par jeu de mot, le titre du récit L'Amante Anglaise... Coucou Mister Jacques (Lacan) ! Et voilà nous avons le fil conducteur d'un texte, apparemment très premier degré, mais que seuls les initiés sachant le décrypter (quatrième ou cinquième degré, style inconscient freudien), sauront magnifier en vraie inspiration fulgurante, au talent aussi puissant que caché...

Ensuite Sandrine Bonnaire, jouant parfaitement une Claire, ailleurs (mais où ?) paumée, pas vraiment concernée, est interrogée, immobile, le visage défait, parfois illuminé d'un sourire béat venu d’un intérieur secret, assise sur une chaise pendant soixante-quinze minutes, par le même interviewer, fasciné, qui veut percer cet incroyable et double mystère de ses motivations et du lieu où elle a caché cette fameuse "tête" ?

Eh bien, que nenni... Au bout de deux heures quarante-cinq, on n'en saura pas plus ! Chers spectateurs, au boulot et faites marcher votre imagination !

Les inconditionnels de Marguerite trouveront formidable ce mille-feuilles énigmatique, les adeptes de psychanalyse se régaleront des jeux de mots et de la richesse des sous-entendus et des non-dits... Quant aux autres, ils seront longuement et délicatement bercés par le jeu "voce dolce" des trois comédiens excellents dans l'incarnation de personnages introvertis et impénétrables très durasiens...

Anne Revanne

 

L’Amante anglaise

De Marguerite Duras
Mise en scène Jacques Osinski

Avec Sandrine Bonnaire, Frédéric Leidgens et Grégoire Oestermann
Texte du prologue dit par Denis Lavant

Lumières Catherine Verheyde
Costumes Hélène Kritikos
Dramaturgie Marie Potonet