Entête

JE SUIS UN OISEAU DE NUIT

 

Théâtre de l'Épée de bois – Cartoucherie
Route du Champ-de manoeuvre
75012 Paris

Jusqu’au 30 avril,
du jeudi au samedi 21h
et les samedis et dimanches à 16h30

 

Je suis un oiseau de nuit loupe

 

 

Soit, donc, une vieille servante, Ida, qui meurt soudainement, par accident : elle est renversée par un camion, pour n'avoir pas regardé devant elle, trop concentrée sur ses pieds, sans doute. Cette mort est l'occasion de réactions diverses, de sa patronne, madame Besson, des voisines, d'autres personnages. Dans le roman de l'oubliée Hélène Bessette, s'entend. Ici, dans l'adaptation qui nous est proposée, seule madame Besson est présente. Omniprésente, même. Elle est accompagnée du "fantôme" de la pauvre Ida, tellement invisible qu'elle n'a pas de visage. Ou plutôt elle en a deux : un masque fixe et un autre, neutre, qui autorise toutes les projections.

Hélène Bessette, auteure reconnnue à son époque (elle est morte en 1980, étant née en 1918) connaît un purgatoire dont elle semble sortir peu à peu. Sa prose est sensible et châtoyante, choisissant entre deux mots le plus parlant et multipliant les points de vue, dans  une optique nouveau roman des plus modernes.

« Mais qui était Ida ? Elle était à nous, assure sa patronne qui s'interroge : — Quel était son regard ? Gentil, rude ? Ida était seule. Ida était souvent dans la maison comme chez elle, alors qu'elle était chez nous ! »

Si madame Besson taxe Ida de dédoublement de la personnalité, elle-même s'interroge : voulait-elle être moi ou est-ce moi qui était elle ? D'ailleurs, sur scène, les deux femmes se ressemblent : mêmes collants, robes noires identiques, coiffures proches, l'une pourrait être l'autre en plus jeune.

C'est une hypothèse intéressante : on peut penser aux sœurs Papin meurtrières de leur patronne et de sa fille... Ida pouvant être un succédané de Léa Papin, l'aînée.

Que dira-t-on de Ida, après, elle qui répétait à l'envi : « je suis un oiseau de nuit »?

Madame Besson poursuit ses interrogations ? Et le spectacle finit à peu près comme il a commencé : le mystère reste entier.

Le petit souci de ce spectacle, c'est celui que l'on retrouve dans toute adaptation : comment faire ? Quoi choisir ? Le travail d'adaptation se justifie, par contre la mise en scène multiplie les effets ce qui fait qu'on hésite entre écouter et regarder et que, assez souvent, les deux se contrarient.

Il y a un personnage portant un autre, des fauteuils qui changent de place, des mots parlants que l'on écrit sur le sol-tableau noir, un jeu de marelle, un rideau qui tombe. Un peu plus de sobriété aurait parfois été préférable. Faire davantage confiance au texte, en quelque sorte.

L'interprétation n'est pas en cause : Christine Koetzel est une madame Besson convaincante, au  jeu nuancé : elle est soutenue par Marion Vedrenne, aux déplacements étranges et parfois somnambuliques.

Au delà de quelques réserves sur la mise en scène, certains moments sont bien venus, d'autres inspirés. Et le spectacle a le mérite de nous faire (re)découvrir l'univers d' Hélène Bessette.

Gérard Noël

 

Je suis un oiseau de nuit

Texte de Hélène Bessette (Ida ou Le délire)
Adaptation et mie en scène : Laurent Michelin

Avec : Christine Koetzel et Marion Vedrenne

Construction masque et costume : Lucie Cunningham
Regard extérieur : Pascale Toniazzo, Vivien Ingrams
Chargée de production : Margot Millotte