DES PUTAINS MEURTRIÈRES

 

Les Plateaux Sauvages, Paris
5, rue des Plâtrières
75020 Paris

Jusqu’au 14 octobre
Du lundi au vendredi à 20h, samedi à 17h

 

Des Putains meurtrières loupePhot © Pauline Le Goff

 

Un titre accrocheur pour un texte adapté d’une nouvelle de Roberto Bolaño qui raconte une histoire singulière : celle d’une femme qui désigne un soir un homme inconnu pour le mettre à mort.

Elle le voit dans son téléviseur, un soir de match de foot. Il est dans les tribunes, il danse, il est heureux de la victoire de son équipe. Elle décide de l’appeler Max. Et elle bondit sur sa moto pour le cueillir à sortie du stade comme on attrape un gibier, et le ramener chez elle. Elle en fera son amant avant d’en faire sa victime.

Racontée ainsi de façon factuelle, la pièce pourrait paraître très ténébreuse, voire dérangeante. Mais l’écriture de Roberto Bolaño est tout sauf journalistique. Il nous plonge à l’intérieur même de son héroïne. Ce sont sa voix et son regard qui nous guident vers ce cérémonial étrange où la princesse un peu folle décide d’élire elle-même son prince et de le garder en le faisant taire. Pourquoi ? Peut-être pour qu’il ressemble ainsi aux rêves que l’on instille dans le crâne des petites filles ?

Car disons, et elle en est bien consciente, un supporter de foot est à des millénaires d’un prince supposé : mais il représente bien ici le Mâle dans toute son étendue, toute sa violence mais aussi toute sa sensualité animale.

Toute cette histoire a des allures de conte. Prendre les faits et les mots de cette héroïne au premier degré manque totalement d'intérêt sinon par curiosité pour les monstres. La nouvelle de Bolaño effleure des mythes ancestraux qui flottent dans l’inconscient collectif. La “petite mort” si bien nommée dans la jouissance, les veuves noires, femmes vénéneuses, la peur inconsciente des hommes, peur que la Femme reprenne ce que la mère a donné – la vie… Cette femme sans nom est comme le pendant de Barbe Bleue, mais ici, le rituel sanglant n’arrive qu’une fois.

Dans un sombre décor qui représente sa chambre, Julie Recoing incarne ce personnage. Sa voix portée par un micro filaire cherche à se glisser contre nos oreilles. Elle s’y associe à certains moments avec des musiques qui la rythment. Des projections vidéo derrière la comédienne aident à nous projeter dans l’univers mental de cette meurtrière.

Julie Recoing s’empare avec délectation du texte de Bolaño. Elle incarne cette femme essentiellement grâce à sa voix, très travaillée, cette élocution presque clinique à certains moments, qui s’emballe, que l’on pourrait écouter en fermant les yeux. Une manière de faire un peu intellectuelle qui crée paradoxalement un manque de charnel, d’incarnation totale.

Bruno Fougniès

 

Des Putains meurtrières

D’après Des putains meurtrières de Roberto Bolaño

Mise en scène Julie Recoing

Avec Julie Recoing

Collaboration artistique Pauline Huruguen
Assistanat à la mise en scène Boris Hirt
Création sonore Jean-Baptiste Cognet, Krishna Lévy et Mathilde Weil
Création lumière Julien Kosellek
Création vidéo Achille Vanony
Conseil dramaturgique Thierry Jolivet

Production En Votre Compagnie Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Des putains meurtrières de Roberto Bolaño est édité aux Éditions Christian Bourgois.