DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON

 

Dans le cadre du « Mois d'août de la culture » à Paris

Dernières représentations aux Plateaux Sauvages

Jusqu'au 4 septembre 2020 à 21h

Vu sur l'esplanade de la BNF-François Mitterand, Paris

 

Dans la solitude des champs de coton loupePhoto © Christophe Raynaud de Lage

 

Représenté pour la première fois en 1987 dans une mise en scène de Patrice Chéreau, la pièce de Bernard-Marie Koltès demeure un joyau d'écriture et de tension dramatique rarement égalé. Deux personnages se rencontrent une nuit au bas des immeubles. L'un, le dealer, est là à attendre le client. L'autre, le client croise le dealer sur l'axe de ses pas. Alors l'échange de mots commence entre les deux hommes perdus dans ce no-mans-land comme s'ils se trouvaient au fin fond de la galaxie, en recherche de pesanteur.

Koltès parvient dans ce texte fiévreux à dilater le temps et l'espace d'une rencontre qui dans la réalité peut se passer en quelques secondes, quelques minutes. Il explore avec sa science infiniment poétique les interstices qui séparent en même temps qu'ils comblent les hommes, et leurs corps, et leurs désirs. Un texte à la fois quotidien et lumineux, temps suspendu au milieu de l'abîme des rapports humains, qu'ils soient indifférence ou besoin vital, charnel.

La mise en scène de Roland Auzet donne ces deux rôles masculins à deux femmes et l'universalité du propos de Koltès se déploie. Tant de références à l'homme sont semées dans ces répliques, si elles sont parfois sexuées, les deux comédiennes enjambent sans peine la difficulté et s'approprient un discours qui s'affranchit complètement du genre.

Ici, la décor naturel, les quatre tours de la BNF qui surplombent l'esplanade, la Seine qui glisse dans l'ombre en contrebas et les déplacements ininterrompus des deux protagoniste plongent le spectateur au cœur de cette solitude toute entourée d'un fourmillement de vie : par-delà les rambardes passent les trottinettes, les joggeurs , les passants, ignorants. Grâce à un système de casques distribués au public, la moindre respiration des comédiennes force notre propre respiration à s'accorder, et la course, et la crainte, et les murmures.

À ces dialogues entenduS au casque se juxtaposent des sons, notes, bruits, toute une bande-son composée par le metteur en scène. J'aurais préféré personnellement que les bruits de la ville soient repris dans cette diffusion sonore pour transcender encore davantage le texte de Koltès.

Si le spectacle se reprend ailleurs, hors de la contrainte malheureuse des scénographies, allez admirer l'invention et la diction magnifiques d'Anne Alvaro dans le rôle du dealer ainsi que le fougue et l'incarnation percutante d'Audrey Bonnet en client.

Depuis le 25 juillet en collaboration avec la Ville de Paris et La Muse en Circuit – Centre national de création musicale, le spectacle a été programmé dans différents espaces parisiens : sur le parvis de l’Institut du monde arabe, aux bords de seine, au stade Didot (proche du Théâtre 14), sur l’esplanade de la BNF.

Bruno Fougniès

 

Dans la solitude des champs de coton

Auteur Bernard-Marie Koltès
Conception, musique, mise en scène Roland Auzet
Collaborateurs artistiques : Thierry Thieû Niang, Wilfried Wendling

Avec Anne Alvaro et Audrey Bonnet