Entête

CLYTEMNESTRE

 

Nouveau Théâtre de l’Atalante
10 place Charles Dullin
75018 Paris

Jusqu’au 11 novembre à 19h

 

Clytemnestre loupe

 

 

La philosophie abondante, rieuse et provocatrice du cabaret donne le ton à ce spectacle : musiques, chants, verve corrosive, maquillages démesurés, jeux d’apparences et de sexe, sensualité, tout est là, inscrit dans les gestes, les mots et les corps des interprètes. Ils sont trois : un musicien chanteur, Raphaël Mars, l’habit immaculé, visage passé au fard blanc, lèvres noires, présence spectrale à la tonalité alto, à la présence puissante. Une comédienne chanteuse, Nikita Faulon, les yeux agrandis de faux-cils grands comme des ailes de papillon et de sourcils surlignants des larges paupières fardées de strass, la bouche à l’avenant, robe blanche, incarnation d’une Clytemnestre à la féminité exacerbée. Puis, dès l’ouverture du spectacle, Jean A. Deron, en dragqueen, qui prend le public par la main pour l’emmener à la découverte de cette histoire puisée à la mythologie grecque, une mythologie qui subit par sa bouche et au travers de ses mots et de ses gestes, une transfiguration radicale, les guerres troyennes et les rivalités de l’Olympe devenant, sous la gouaille impertinente du conteur, une histoire de famille si pleine de rivalités sanglantes, de concupiscences, d’abus de pouvoir brutaux qu’elle tourne à l’extravaguant et au rire. 

Pourtant, Clytemnestre n’est pas un cabaret. Le cabaret n’est que la forme, une  forme qui n’est pas gratuite. L’idée des deux co-auteurs de la pièce, Nikita Faulon et Lucas Borzykowski, est de découvrir le point de vue du personnage historique de Clytemnestre et d’en faire jaillir un discours qu’aucun auteur précédent n’avait fait paraître. Elle qui tua son mari Agamamnon avec son amant Egyste, est présentée presque systématiquement comme une mère mauvaise (celle d’Electre et d’Iphigénie), une femme traitresse qui tue son mari pour vivre avec son amant, une sorte de sorcière malfaisante qui ne comprend rien aux enjeux politiques des décisions masculines.

La Clytemnestre qui surgit de l’ombre sous les traits de Nikita Faulon et dans la parure d’une reine de la nuit, est soudain une autre Clytemnestre. Elle est une femme armée d’une colère sans borne, d’un besoin de liberté sans limite, d’un appétit de vie et de justice capable de tout dévorer. Le masque de sorcière tombe et c’est toute la vie de ce personnage que l’on découvre blessée, humiliée, violentée par la barbarie des hommes, des mâles mais qui revendique et réclame sa part.

Le texte de la pièce porté par cette douce et provocatrice folie est un réquisitoire merveilleux contre le pouvoir des hommes, leur violence, leur brutalité, leur aveuglement. Ce pouvoir masculin qui impose depuis le début de notre civilisation la vision binaire de l’humain et sa classification homme/femme se voit démantibulé et explosé par le jeu de trouble et d’apparence du cabaret. Ici, tous les discours s’entendent, ici, les attributs et les attributions se redistribuent. Et c’est d’un bain de fraîcheur, de joie et d’appétit dont on ressort à la fin de la pièce.

Lucas Borzykowski, metteur en scène, et ses trois interprètes (à saluer les créations musicales de Raphaël Mars également) parviennent à nous emmener à la fois dans la fantaisie énigmatique et charnelle du cabaret, dans l’histoire des mythes grecs, fondateurs de nos pensées occidentales, et dans un beau cri de révolte légitime contre l’injustice et l’inégalité faite aux femmes.

Clytemnestre est le premier spectacle du Festival NTA, 1ère édition. Un festival consacré à la création des jeunes compagnies qui se déroule au Nouveau Théâtre de l’Atalante jusqu’au 16 décembre avec comme programme : « Clytemnestre » du 9 au 11/11, « Je voudrais crever » du 16 au 18/11, « Gildaa » du 23 au 25/11, « Ni Couronne Ni Plaque » du 30/11 au 2/12,  « Maryvonne » du 7 au 9/11, « Le Joueur » du 14 au 16/12

Bruno Fougniès

 

Clytemnestre

Écriture Nikita Faulon et Lucas Borzykowski
Mise en scène Lucas Borzykowski
Création sonore Raphaël Mars
Création costumes et maquillage Jean A. Deron
Technique Louise Prieur

Avec Nikita Faulon, Raphaël Mars et Jean A. Deron