CE QUE J'APPELLE OUBLI
Le 11 Avignon,
11 Bd Raspail,
84000 Avignon
04 84 51 20 10
du 5 au 24 juillet 2025,
à 11h45.
Relâche les 11 et 18 juillet
Qui est-il cet homme, cette pauvre victime, on ne le saura jamais vraiment. Laurent Mauvignier s'est inspiré d'un fait-divers survenu à Lyon en 2009 pour écrire ce roman prenant : un homme, pas un SDF, non, un homme dans la misère, un homme qui devait tout juste survivre, allant de petits boulots en petits boulots et logeant sans doute dans un foyer, cet homme, un jour, entre dans un superrmarché et sur place, ouvre une canette de bière et la boit. Simplement. Sans la payer.
De là, quatre vigiles déboulent, le poussent sans ménagement jusqu'à la réserve et là, le roue de coups jusqu'à ce que la mort s'ensuive.
Dans cette histoire, enfin dans la façon qu'il a de nous la raconter, l'auteur a choisi de s'adresser au frère de la victime : il y a du tu, il y a de l'apostrophe, laquelle peut aussi bien s'adresser à lui qu'à nous ; cela permet, bien sûr, de dépasser le côté constat pour toucher au plus profond la sensibilité de chacun.
À la manière de ce nouveau roman dont il est un des tenants, Mauvignier multiplie les détails crus, le côté descriptif, les anotations banales, de tous les jours, le crâne rasé de l'un des vigiles, l'après-rasage de l'autre, les films plastique qui enveloppent les marchandises dans la réserve... on en passe.
L'important, ici, au-delà des détails c'est le rythme. Ce sont les moments où tout s'accélère, ou bien, au contraire, où les choses ne sont plus vraiment dites parce que, dans une telle horreur, elles ne peuvent plus l'être vraiment.
Loin de témoigner d'une impossibilité de l'auteur, cela fonctionne.
La mise en scène sert, parfois trop, au millimètre près, ce que nous raconte Mauvignier. Que ce soit dans les éclairages ou dans les bruitages et la musique.
Peut-être aurait-on pu écourter un peu certaines parties, notamment les souvenirs d'enfance, ces histoires de père boucher, qui sont un peu convenues et n'apportent pas grand chose, en définitive.
Bien sûr, tout repose sur le comédien, seul en scène, qui prend cette histoire à bras le corps. Il nous tient en haleine en nous la racontant. En la faisant revivre. Le tout dure une heure et quelques.
Ce comédien pourrait d'ailleurs, barbe lui mangant le visage, cheveux longs et vêtements passe-partout, être lui-même le personnage principal, celui qui a bu indûment la bière, celui que l'on a tabassé pour ce motif futile, celui qui sera, tout à l'heure en sang sur le sol cimenté et bientôt à l'institut médico-légal.
Luc Schiltz lui prête son jeu halluciné, sa voix et sa présence.
Gérard Noël
Ce que j'appelle oubli
Texte : Laurent Mauvignier
jeu : Luc Shiltz
Mise en scène : Sophie Langevin
Dramaturgie : Youness Anzane
Composition musicale et jeu : Jorge De Moura
Scénographie et costumes : Sophie Van Den Keybus
Lumières et régie plateau : Jef Metten
Collaboration à la chorégraphie : Emmanuela Iacopini
Assistanat mise en scène : Jonathan Christoph
Mis en ligne le 25 juin 2025
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