MAMIE LUGER
Théâtre Essaïon
6 Rue Pierre au Lard,
75004 Paris
01 42 78 46 42
Jusqu’au 1er novembre 2025,
les vendredis et samedis à 19h.
Photos : Béatrice Treilland
Une mamie dangereuse… mais tellement exquise !!!
Benoît Philippon, auteur du roman Mamie Luger (2018), réjouissant polar aux dialogues qui pétaradent comme une mitraillette aux répliques désopilantes,a reçu une lettre émouvante il y a quelques années : « Je m’appelle Josiane Carle, j’ai 85 ans j’ai lu Mamie Luger et j’adorerais jouer Berthe sur les planches. » Lorsqu’il qu’il a découvert sa magnifique adaptation enrichie de la mise en scène de son complice sur scène Antoine Herbez, Benoît Philippon avoue « Les larmes me sont montées aux yeux… Elle a apporté la validation des mots et du combat de Berthe… »
Six heures du matin : Berthe, 102 ans, canarde l’escouade de flics qui a pris d’assaut sa chaumière auvergnate car elle a tiré sur son voisin et a permis à un couple en cavale d’échapper à la police…
Huit heures, le capitaine Ventura entame la garde à vue la plus ahurissante de sa carrière.
Nous assistons alors à un huis-clos explosif, avec une sarabande de révélations hallucinantes car la Mamie se révèle plus flingueuse que gâteaux ou gâteuse ! Elle se sert de son luger pour éliminer les maris qui lui manquent de respect comme d’autres se servent de leur éventail pour rafraîchir leur minois ! Et il faut se l’avouer aussi : elle aime bien cet inspecteur qu’elle appelle tantôt Lino, tantôt Colombo et va jusqu’à lui faire des confidences intimes ; dans les choses de l’amour, ils étaient, en plus, tous de vrais minables ! Alors, faute de l’avoir emmenée au Capitole de l’érotisme, elle les a précipités, occis, dans la Roche Tarpéienne… de sa cave ! Et il y a du monde dans son sous-sol, pire que les écuries d’Augias au niveau cadavres, hommes hais et chats aimés tous mélangés…
Et puis et puis… Il y a son grand Amour, le seul, l’unique : Luther, un beau GI noir qui l’a fait danser au son de Summertime de Sidney Bechet… Berthe/Josiane se métamorphose alors en un corps jeune, léger, transcendé par une sensualité voluptueuse qui nous submerge d’émotions intenses ! On est ému aux larmes par cette magnifique prestation de comédienne hors-pair…
Le duo des deux interprètes est absolument formidable. Quels talents ! Josiane Carle est éblouissante de puissance dramatique et de drôlerie caustique avec la complicité d’Antoine Herbez qui joue à merveille un inspecteur déstabilisé, toujours stupéfait et souvent attendri par une personnalité aussi atypique !
Au-delà de cette confrontation jouissive, aux dialogues percutants qui rappellent Audiard ou Frédéric Dard, il y a un plaidoyer concernant la condition des femmes sous la domination masculine et sa lente évolution au XXe siècle… L’habileté du scénario nous fait aimer cette tueuse en série à laquelle on trouve bien des circonstances atténuantes. Avouer tous ces crimes à 102 ans a quelque chose de surréaliste ! Quant à la fin, c’est un feu d’artifice aussi déconcertant que poignant…
Un spectacle bouleversant dont on ne sort pas indemne et qu’il est urgent d’aller applaudir, sans modération, comme lors de leur première soirée qui fut un triomphe…
Anne Revanne
« Féministe, centenaire et tueuse en série », c'est la présentation qui figure en tête du programme. La pièce tient ces promesses.
Il s'agit d'un roman de Benoît Philippon, un roman noir, adapté par le metteur en scène et la principale interprète.
On ne peut pas dire que la figure de la vieille dame tueuse soit très nouvelle ; on en trouve trace cher Nadine Montfils, notamment. Mais Philippon relève le gant et renouvelle avec brio le genre.
Soit, donc une vieille dame en garde à vue pour avoir agressé son voisin avec une arme. La policier qui "s'occupe" d'elle va aller de découverte macabre en découverte macabre. Les aveux vont suivre, ponctués par des réticences de la vieille dame et les éberluements du policiier, le lieutenant Ventura que la gardée à vue appelle familièrement Lino (?) ou encore Columbo.
Par force, la mise en scène est un peu statique au début. Et le policier commence son interrogatoire depuis la salle, toutes lumières allumées.
La dame étant centenaire ou presque, les meurtres commencent pendant l'Occupation et c'est un Allemand qui en est l'objet. Il y aura un mari, puis un autre. Si les rires sont un peu faciles au début, un peu nerveux, même, la suite négocie avec habileté un virage vers plus de gravité, voire de tragique.
Nous ne révèlerons pas, bien sûr, la fin, surprenante, de cette pièce.
L'auteur, Benoît Philippon, révèle qu'une comédienne est venue le trouver peu après la parution de son roman (en 2018) pour lui dire : J'ai 85 ans et je voudrais jouer mamie Lüger. C'était Josiane Carle, dont c'est peu dire qu'elle vit et habite le rôle. Geignarde, franche, aussi à l'aise dans l'invective que dans le récit de ses malheurs... elle est étonnante. À ses côtés, Antoine Herbez campe un flic à l'écoute attentive des démêlées de mamie Lüger avec la gente masculine. Parfois, on frôle le mélo mais sans jamais y tomber.
Un spectacle réussi.
Gérard Noël
Mamie Luger
Texte : Benoît Philippon
Adaptation : Josiane Carle et Antoine Herbez
Mise en scène et dispositif scénique : Antoine Herbez
Avec : Josiane Carle et Antoine Herbez
Lumières : Fouad Souaker
Affiche : Labrune est dans le pré
Mis en ligne le 30 août 2025
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