CHRISTOPHE DELESSART

 

 

 

Christophe Delessart loupe

 

J.D Christophe Delessart, bonjour et bienvenu sur Regarts.org. Tout d’abord pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

C.D Je suis Christophe Delessart, comédien, auteur et professeur d’art oratoire. Je vis des mots. Au théâtre, ma tête de gondole a longtemps été Valjean, un seul en scène, une adaptation personnelle de texte de Hugo, mise en scène par Elsa Saladin. La pièce a été jouée plus de 250 fois, à Paris, Avignon et en tournée en France. Elle fut éligible aux Molières en 2019.

 

J.D Vous interprétez Rembrandt à l’Essaïon, dans l’adaptation de la pièce de théâtre de Barbara Lecompte « Rembrandt sous l’escalier » édité aux éditions de L’Harmattan, qu’est qui vous a intéressé dans ce projet ?

C.D Barbara Lecompte avait entendu parler de ma prestation dans le fameux Valjean. Elle m’a adressé son tapuscrit, a cherché à me rencontrer et a été finalement convaincue que j’étais son Rembrandt. On résiste rarement à tant d’enthousiasme. Non plus sérieusement, j’ai aimé son texte, l’idée de me transporter deux cents ans plus tôt encore. Valjean démarrait en 1832, Rembrandt en 1632. Je ne connaissais pas l’homme. Tout un univers à découvrir. Son esprit. Son sens aigu de la liberté.

 

J.D Quelle image aviez-vous de ce grand peintre qu’était Rembrandt ?

C.D Très vague. Trop vague. Le clair-obscur. Quelques autoportraits et d’autres œuvres comme Le Retour de l’enfants prodigue, La résurrection de Lazare. Rien de très précis. Jusqu’à ce jour mon goût pour la peinture se concentrait surtout sur Van Gogh et les impressionnistes. Un Hollandais déjà, cependant !

 

J.D Le point de départ de la pièce c’est ce tableau de 1632 Le Philosophe en méditation, quelle est sa place dans son œuvre ?

C.D Mon opinion est très subjective. J’ai écouté Barbara Lecompte m’en parler, me raconter l’histoire de ce tableau, ce qui l’enthousiasmait dans ce tout petit format. J’ai fini par admettre que son impact était évident, sa place prépondérante pour que l’autrice en tire une si belle prose, une sublimation de la relation père-fils.

 

J.D D’après vous est-ce un hommage à son père ?

C.D C’est évident. Comment pourrait-il en être autrement ? Après est-ce que Rembrandt le savait lui-même au moment ou il l’a réalisé, ça c’est une autre histoire !

 

J.D Comment avez-vous collaboré avec Eric Belkheir qui interprète ce père qui pour Rembrandt est plus qu’un père ?

C.D Magnifiquement bien. J’ai fortement suggéré pour ne pas dire imposé le nom de la metteure en scène, Elsa Saladin, pour la réalisation de ce projet, et c’est en discutant avec elle que le nom d’Eric m’est venu. Il est un des autres piliers de la troupe Étoile et Cie, nous nous étions croisés quelques années plus tôt, j’aimais sa bonne humeur et son instinct. Je savais que nous aurions à apprendre à bosser ensemble mais cela s’est fait en toute simplicité et toute facilité. Je pense l’avoir un peu perturbé aux premières répétitions mais il a eu la grande intelligence d’accepter mes propositions décalées, d’écouter encore et encore. Il a un grand sens de l’écoute. C’est un grand bonhomme. J’aime partager ce texte avec lui.

 

J.D Comment résumeriez-vous cette relation ?

C.D Simple. Limpide. Bienveillante mais non complaisante. Généreuse. Heureuse, quoi.

 

J.D On a l’impression qu’à travers son père c’est à lui-même qu’il parle ?

C.D Certaines phrases prononcées ne sont-elles jamais que des échos de l’âme profonde ? Oui, il y a une certaine osmose entre ces deux êtres. D’ailleurs le père devient rapidement l’esprit du père. Est-il encore celui d’Harmen ou déjà celui de Rembrandt ? J’ai mon idée sur la question mais c’est au public de décider sa propre interprétation.

 

J.D C’est presque un chemin initiatique qu’il parcourt ?

C.D Un chemin initiatique autant qu’une voie introspective.

 

J.D Pouvez-vous nous parler de la violoniste franco-américaine Consuelo Lepauw, qui vous accompagne sur scène et de cette ambiance qu’elle apporte à travers sa musique ?

C.D Consuelo est une révélation. D’abord j’ai été séduit par la mélodie envoutante de son violon, son talent puis j’ai rencontré la comédienne. Elle aussi a un vrai sens de l’écoute. Naturel vous me direz pour une musicienne. Elle est fine, radieuse et séduisante. Nous jouons ensemble. Je lui parle dans le spectacle, la prends à partie, nous nous étreignons. J’avais avant de la connaitre une certaine appréhension de ces instants plus intimes et puis la confiance réciproque s’est installée. Elle aussi est instinctive. Jouer avec elle me nourrit énormément.

 

J.D En vous remerciant, votre regard sur Rembrandt a-t-il changé et comment ?

C.D Rembrandt est un homme libre, inspirant. J’adore ce rôle qui me permet de jouer toute ma propre palette de teintes et ne pas être, comme un critique l’a écrit, dans le monochrome ! Un comble. Je méconnaissais l’artiste, l’homme m’a bluffé. J’ai envie aujourd’hui d’être à mon faible niveau un prescripteur de ses œuvres. Je me régale quand j’entends le public dire à la sortie : on a envie de retourner au Louvre ou à Amsterdam. Merci à vous également pour votre intérêt !

 

Propos recueillis par Jean-Davy