Teatro Astra
Turin

Nous revoici à Turin pour le dernier week-end du Festival Teatro a Corte.

 

Photo Claude Bourbon

Turin, chef lieu du Piémont, fut la capitale des États de Savoie de 1563 à 1713, du royaume de Sicile de 1713 à 1720, du royaume de Sardaigne de 1720 à1861 et du royaume d'Italie de 1861 à 1865.

Une ville située à quelques cent kilomètres de la France et dont on peut s’étonner qu’elle attire moins les touristes que Florence, Venise ou Rome tant elle regorge elle aussi de beautés architecturales témoins de son passé historique.

Tout au long de votre promenade, vous découvrez de charmantes places, de belles avenues bordées d’imposants et superbes immeubles baroques, en parcourant les galeries couvertes qui protègent efficacement de la pluie ou des ardeurs du soleil, il paraît qu’elles couvrent 24 km !

Ceinturée de collines, elle est traversée par le Po, encore une belle promenade qui vous attend après avoir quitté Le Mole Antonelliana dont le bâtiment surmonté d’une haute tour abrite un superbe musée du cinéma.

Si les palais abondent, le plus imposant est sans nul doute le Palazzo Reale, richement décoré et où se trouve une magnifique salle d’arme emplie de dizaines de cavaliers en armure ! Impressionnant.

Pour l’heure nous nous dirigeons en ce premier soir vers le Théâtre Astra de Beppe Navello, le directeur du festival, homme passionné par les arts, fondateur de Teatro a Corte.

 

Photo © S.Magnone

Ce dernier week-end du festival commence fort, très fort avec le ballet ô combien percutant et dérangeant de la chorégraphe Maria Clara Villa Lobos.

Surfant sur le jeu de mots en référence à l’œuvre de Nijinski sur la musique de Stravinsky qualifiée à sa création de Massacre du printemps, elle crée un ballet d’une force implacable qui pourrait tout aussi bien s’appeler Le massacre des innocents.

Prenez l’univers d’une « usine à viande », avec tables inox, chariots, caissettes et ses employés vêtus de combinaisons et bottes de caoutchouc blanches, aux mains recouvertes de gants plastique.

Ajoutez un écran sur lequel seront projetés des vidéos impitoyables d’élevage en série et d’abattoirs divers succédant à la douceur de l’éclosion d’un poussin.

Vont alors se succéder des images fortes, mariant ce qui se passe sur l’écran et ce qui se danse sur le plateau.

Ce sont les gestes mécaniques des danseurs reproduisant les machines et le travail à la chaîne, scène qui n’est pas sans rappeler Charlot et Les temps modernes.

Ou encore le corps nu de Coral Ortega sur le froid revêtement d’une table en inox qui reproduit les gestes d’un poulet manipulé, écartelé sur l’écran.

Ou encore cet homme, Alberto Velasco, corps corpulent, mis à nu et mis à mort, suspendu par les pieds comme on exécute les porcs.

Troublantes ressemblances.

C’est d’une violence parfois insoutenable, heureusement contrebalancée par un humour salvateur, comme des respirations salutaires. Et surtout superbement exécuté, perfection des gestes des danseurs en correspondance parfaite avec les vidéos (parfois peut-être un peu trop présentes), et en accord avec la puissance de la musique de Stravinsky.

L’épilogue n’est pas le moins perturbant avec des images de perversion d’amour animal telles qu’on peut certainement en trouver sur Internet, avec en dérision comme accompagnement musical la chanson de Brigitte Bardot « Le soleil ».

C’est à la fois d’un esthétisme indéniable et d’une technicité impressionnante. C’est à la fois une œuvre infiniment artistique et incroyablement politique. C’est à la fois un spectacle et la dénonciation virulente de notre société de consommation. C’est à la fois une création artistique et un acte politique, qui interroge, met mal à l’aise, perturbe et nous fait prendre conscience et de notre vanité et de notre fragilité.

Nicole Bourbon

 

Photo © S.Magnone

Mas-sacre

Chorégraphie : Maria Clara Villa Lobos
Musique : Igor Stravinsky

Avec : Barthélémy Valmont, Coral Ortega, Alberto Velasco, Clément Thirion

Analyse musicale et rythme: Michel Debrulle
Vidéaste : Lucas Racasse, assisté par Robin Yerlès
Costumes et scénographie : Frédérique De Montblanc
Lumières : Jef Dubois

Mas Sacre (PDF)