LE BOXEUR – ou la fin d’un gros câlisse
©Troupuscule théâtre
Un playdoyer sur la discrimination
« Survivre c'est transformer les inconvénients en avantages et éviter que les avantages deviennent des inconvénients »
Québec est né avec le corps d’un gorille, la société et sa famille le lui rappelleront trop souvent: «Tu vas devenir boxeur ! Hey grand et gros comme ça pour ton âge...». Mais il a l’âme d’un King Kong, il voudrait être un poète. Violenté à l’école, raillé par les filles, il contient tout acte d’agressivité physique, maitrisant sa colère, jusqu’au jour où le regard dédaigneux et méprisant d’une belle femme, celui de trop, déclenche l’explosion de ses années d’humiliations rentrées.
La souffrance, son refoulement, le surplus de coups reçus le condamnent malgré lui à une réaction animale instinctive, à l’abrutissement et finalement à l’extrême, à la limite du crime.
Lui qui pensait échapper à tout acte d’agressivité, ne pouvant plus contrôler l‘animal qui dort en lui comme en nous tous tel un Alien, ira par instinct de survie jusqu'à détruire ce qu’il est et qu’il croit ne plus être: un être humain citoyen respectable.
«Une seule goutte de pluie peut vous faire mal si vous en avez laissé suffisamment vous tomber dessus»
L’ours sauvage, dans un sursaut de lucidité redeviendra l’ourson qu’il a toujours été, celui que l’on chérit depuis son enfance, avec lequel on s’endort dans son berceau, avant que la société ne nous l’arrache pour faire de nous un Homme modelé à son image.
Son acte (suicidaire?) le plongera dans une microsociété encore plus violente, celle de l’univers carcéral, l’enfermement dans l’enfermement.
Là, soutenu par certains et poussé dans ses extrêmes par d'autres, Québec montera sur le ring pour mettre KO toutes les prisons dans lesquelles on l’enferme, dans le but de recouvrer sa dignité...
Le magnifique texte puissant et captivant d’inspiration autobiographique de l’auteur québécois, PATRIC SAUCIER, donne vie au personnage de Québec incarné par trois protagonistes, «un travail choral autour de la même pensée. Trois disciplines pour la même voix».
Un comédien l’excellent Franck Micque, est la voix de Québec, la force physique, le corps de rêve, l’esprit sain dans un corps sain. Il donne également vie avec une grande sensibilité et sincérité aux différents autres personnages.
Un musicien, guitariste, Benjamin Civil, l’écho musical, la virilité rock de Québec, soutient l’action au rythme de ses compositions originales, sublimant l’imaginaire.
Un danseur urbain Franck Corcoy, le double, le vrai corps corpulent de Québec, son ombre fusionnelle, beau harmonieux et touchant, reflète par sa gestuelle ses pensées, ses craintes, ses espoirs.
La mise en scène très moderne de Mariana Lezin, sans artifices, toute au service de l’intime, propose une évocation onirique des lieux : ring, prisons, cellule, rue. Tout nous est suggéré et non pas imposé.
La vidéo est parfaitement utilisée elle reste discrète et nous fait pénétrer à l'intérieur du corps et de l’âme de Québec tel un scanner révélant son introspection, matérialisant parfois les images qui surgissent dans notre esprit à l’écoute du texte.
L'idée de ce triptyque humain renforce et illustre parfaitement et ingénieusement le monologue si bien délivré par le talent de Franck Micque à la voix envoûtante et mélodieuse, s’il chantait il me ferait penser à un blues man.
Voilà un spectacle très onirique, synergie parfaite entre théâtre, musique et danse.
Je tiens à préciser l’importance d’avoir un musicien en live qui permet l’osmose totale avec le comédien et le danseur, ce qui ne serait pas possible avec une bande son.
Un grand merci à Mariana Lezin qui nous permet de découvrir de nouveaux auteurs peu connus et bravo à sa compagnie (Troupuscule Théâtre) qui participe également à de nombreuses interventions en milieu scolaire, il est bon de le souligner.
Je vous souhaite de croiser prochainement leur route, n’hésitez à pas à prendre place, enfilez vos gants et jetez-vous dans le ring, sortez de votre torpeur, vous prendrez de sacrés coups mais au final ça fait du bien.
Vous en sortirez ko mais vainqueur et vivant, vous finirez par rouvrir les yeux et vous percevrez vos semblables et vous même avec un nouveau Reg‘ Arts qui n’appartient qu’à vous, croyez en votre utopie !!!
«Le Boxeur – ou la fin d’un gros câlisse»: Une pièce avec laquelle vous ne pourrez être qu’en parfaite symbiose !!!
Mon coup de cœur du Off 2012
Didier Clusel
«Le Boxeur – ou la fin d’un gros câlisse»:
de Patric Saucier
Le Boxeur : Franck Micque
Musicien : Benjamin Civil
Danseur : Franck Corcoy
Mise en scène et scénographie : Mariana Lézin
Costumes : Ève Solirène
Musique : Benjamin Civil
Corégraphie et danses : Francky Corcoy
Lumières : Mickaël Oliviéro
Décors : René Simon
Régie Générale : Jord Ledortz