JAURÈS ASSASSINÉ DEUX FOIS
Elle porte sa parole et ses convictions aux quatre coins du monde ; elle joue dans des prisons, dans des pays en guerre.
Mais pour rien au monde elle ne manquerait son rendez-vous annuel avec le Festival d'Avignon. Trente et quelques années qu'elle y pose ses bagages pendant trois semaines et qu'elle emmène son public – qui la suit avec la même fidélité – à la découverte de personnages variés mais qui ont tous en commun de lui permettre de défendre les valeurs de justice et de liberté auxquelles elle croit profondément.
Il était inévitable que la route de Pierrette Dupoyet croise un jour celle de Jean Jaurès.
Dans la peau de Louise, l'épouse du grand homme, elle nous emmène à la rencontre de celui qui fut lâchement assassiné un jour d'été 1914, quelques jours avant la déclaration de guerre, lui l'homme qui défendait la paix.
Sur le plateau, une immense reproduction de la Une de l'Humanité annonçant l'assassinat de Jaurès et un empilement de boîtes en carton sur lesquels sont inscrits divers mots, d'une écriture d'écolière appliquée – vous savez celle qu'on apprenait autrefois à l'école communale avec les pleins et les déliés, tracés du porte-plume sergent major trempée dans l'encre violette qui tâchait les doigts, un monde que la jeunesse d'aujourd'hui ne connaîtra jamais – .
Ces mots rappellent divers épisodes marquants de la vie de Jaurès, de ses combats, de ses discours : laïcité, instruction, campagne, guerre, Hugo, paix, grèves, Albi 1903, Castres 1904.
Au fur et à mesure qu'elle avance dans sa narration, elle ouvrira ces boîtes, en sortira des documents, des lettres, qu'elle lira, émouvants témoignages d'une vie.
Et elle arpentera la scène, racontant de sa voix si particulière et si prenante, des épisodes de l'Histoire mêlés à ceux de l'histoire de tous les jours qu'elle imagine, et on la croit, oui c'était sûrement comme ça qu'il vivait le grand homme, toujours parti, toujours ailleurs, à porter la bonne parole et revenant se ressourcer au foyer conjugal près de Louise qui l'attend patiemment, qui vit dans son ombre, humble, simple, admirative et tellement indispensable. Et l'homme politique nous devient familier, on entend ses discours, on lit sa correspondance, on le voit dans l'intimité familiale, avec ses amis.
Et puis voilà Pierrette /Louise à l'heure du procès de l'assassin, désemparée, révoltée, et on vit l'attente du verdict avec elle, on entend au plus profond de nous son cri de désespoir à l'annonce de l'acquittement. L'injustice a passé. Reste alors sur la scène un tableau soudain dévoilé, un beau portrait de Jaurès ave une colombe qui tient une rose rouge dans son bec tandis qu'une femme désormais seule range ses importants et dérisoires souvenirs et que retentit la voix de Jean Ferrat :
« Qu'elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l'avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France »
Nicole Bourbon
Jaurès assassiné deux fois
De et avec Pierrette Dupoyet
Création bande-son : Jean-Marie Bourdat
Assistance Informatique : Irial O'Sullivan