HANNAH ARENDT : EXIL ATLANTIQUE
Thy Théâtre
28 rue Saint Le Vieux
Place Pie
84000 -
Avignon
06 52 32 70 14
13H00
Mis en ligne le 25 juillet 2013
En 1941, Hannah Arendt, philosophe juive allemande se retrouve trois mois à Lisbonne avant de s'embarquer pour les Etats-Unis. La guerre dévore l'Europe, bientôt le monde, elle vient de s'échapper d'un camp de transit pour femmes sur le territoire français. Elle attend.
Lisbonne est un ponton, un terminus donnant sur l'océan et plus loin l'Amérique, une enclave de neutralité entre l'Angleterre et l'Allemagne, une planche branlante sur laquelle s'agglutinent des milliers de réfugiés venant de toute l'Europe, les talons brûlés par les flammes assassines nazies. Ils forment un melting-pot cosmopolite fait d'intellectuels, d'artistes et de tous ceux qui ont été capable de pressentir l'arrivée de la barbarie sur terre : des fuyards, mais aussi une sorte d'élite, des porteurs de richesses culturelles et intellectuelles, des esprits éclairés, des humanistes, des œuvres d'arts sur pieds.
Le spectacle commence par une évocation, projetée sur un drap, de bandes d'archives de l'époque qui évoquent le Portugal et d'un extrait de « Casablanca » où Humphrey Bogart rêve de s'échapper du Maroc pour rejoindre Lisbonne. C'est l'ambiance interlope de l'époque entre espionnage tout azimut, danger de mort et transactions louches. Une ambiance un peu hollywoodienne. Un univers de roman noir qui donne le ton du spectacle : moitié fiction, moitié réalité, une fiction qui retrace un moment de l'histoire. Et en effet, c'est une longue et captivante transaction qui va s'opérer devant nous durant plus d'une heure. Une transaction entre Hannah Arendt et un journaliste un peu suspect qui lui promet de lui obtenir un sauf conduit pour rester au Portugal le temps de trouver un embarquement pour l'Amérique.
C'est donnant-donnant, idée contre idée, une sorte d'interrogatoire où les deux protagonistes vont être forcés de livrer leurs peurs, leurs doutes et d'éprouver leurs certitudes dans une suite de rencontres. Il s'agit d'une suite d'échanges politiques, philosophiques et théologique toujours sous-tendus par une menace.
La mise en scène d'Avner Camus Perez (également auteur de la pièce) met en avant la tension contenue qui peut jaillir à tout moment des personnages. C'est une joute entre une femme apatride, en exil, obligée de fuir depuis presque dix ans la monstruosité nazei et un petit journaliste mondain à qui la situation historique a donné un pouvoir réel. Quelques éléments scéniques et des costumes d'époques suffisent à recréer l'univers oppressant de cet affrontement.
Et l'on assiste à des moments de grâce lorsque Théodora Carla, qui interprète avec intensité Hannah Arendt, saisit un violon pour lancer des mélodies Yiddish comme un cri insatiable de liberté, de joie et de tristesse.
En contrepoint, Stefo Linard campe avec effronterie un journaliste ambigu, à la fois fasciné, dévoré d'un amour plein de haine et de convoitise pour cette femme libre-penseuse.
Bruno Fougniès
Hannah Arendt : Exil atlantique
Auteur et mise en scène Avner Camus Perez
Avec Théodora Carla et Stefo Linard