UN DEMOCRATE

Théâtre de la Reine blanche
 2 bis passage ruelle
75018 Paris
01 40 05 06 96

Du 15 mai au 23 juin
Du mardi au samedi à 20h45

 

Un démocrate loupe 

(voir l'article de Frédéric Manzini)

Gouvernement invisible.

Manipulation des masses.

Étude et maîtrise du comportement psychologique des foules.

« La réalité n’existe pas ! » dit Edward Bernays le héros de ce bio-pic, bio-play.

Tous ces termes et bien d’autres tournent dans l’esprit de cet américain né en Autriche en 1891, qui inventa la notion de « Public Relations » pour se démarquer des publicitaires de l’époque et élargir son action aux cercles du pouvoir bien au-delà du simple univers commercial : développer les théories de manipulations médiatiques pour séduire les dirigeants politiques.

Pour cela, il s’est inspiré à la fois des travaux d’analystes du comportement de la fin du 19 ème, en particulier « Psychologie des foules » de Gustave Le Bon et des découvertes de Freud qui était son oncle.

Voilà un personnage incontournable si l’on s’intéresse à l’histoire du 20ème siècle, mais un personnage obscur, aux motivations certes financières mais aux justifications étranges quand il s’agit de justifier ses pensées et ses actions. Car il se présente en Démocrate même s’il considère que toute démocratie doit être dirigée par un « gouvernement invisible », bref, par une élite capable d’influencer par les moyens médiatique les opinions des masses. Un vent glacé parcourt le dos…

Ce spectacle, écrit et mis en scène par Julie Timmerman (qui fait également partie de la distribution, c’est dire l’importance que cette pièce a pour elle) regroupe de façon parfaite le désir de Brecht d’un théâtre capable à la fois d’instruire et de divertir. Tout le travail de construction du texte, de décor, de jeu et mise en scène tend à insuffler sans cesse de la vie à cette biographie qui autrement aurait pu être indigeste. Ainsi les scènes narratives (souvent à la première personne : le héros de cette histoire) alternent de façon dynamique avec de courtes saynètes jouées et mises en scène (avec changement de costumes, belles variations d’éclairages et effets). De même, le dispositif scénique principalement fait d’un immense mur/tableau noir en fond de scène qui se couvre peu à peu d’inscriptions, de slogans et de photographies d’époque est comme une matière vivante en constante croissance, évolution.

Mais ce qui touche le plus, parmi les dizaines d’anecdotes historiques passionnantes – comme cette manipulation de l’information pour faire tomber un gouvernement uruguayen hostile à une grande entreprise bananière américaine – c’est le discours cynique, certains diront réaliste, voire scientifique, qui semble de plus en plus d’actualité dans notre monde informatisé où le pouvoir sur les opinions des masses (opinion sur un produit manufacturé ou opinion politique) est devenu le nouvel or noir des marchand du net par le biais des listings et des bases de données.

Bref, voilà un spectacle révélateur et instructif qui a le mérite d’utiliser le rire et la comédie pour montrer la face cachée des systèmes.

Pour aller jusqu’au bout de cet article, et parce que cette pièce est réellement une très belle réussite qui mérite d’être vue partout et par tous, aussi bien le public adulte que les étudiants, lycéens et collégiens, quelque chose m’étonne tout de même. A aucun moment, le personnage d’Edward Bernays n’apparaît comme coupable de quoique ce soit, et encore moins toxique ni maléfique. Peut-être que le fait de faire jouer ce personnage à tour de rôle par chacun des quatre comédiens provoque-t-il cette absence d’identification - voulue certainement - comme si ces manipulations de masse, sortes d’endoctrinements en fait, n’avaient pas de visage. Du coup, de héros malfaisant – son livre « Propaganda » (bien nommé) servit à Goebbels pour endoctriner le peuple allemand d’avant-guerre – Edward Bernays devient plutôt un être terne, transparent, opportuniste et sans moralité mais finalement un être d’une envergure réduite, si moyen et médiocre dans sa vie quotidienne et dans son caractère qu’il en devient trop sympathique.

Comme si, jusqu’après sa mort, Bernays continuait de manipuler les esprit et l’opinion que l’on peut avoir de lui….

Bruno Fougniès

 

Un démocrate

Texte et mise en scène Julie Timmerman
Dramaturgie Pauline Thimonnier
Assistante à la mise en scène Claire Chaineaux
Scénographie Charlotte Villermet
Lumière Philippe Sazerat
Musique Vincent Artaud
Costumes Dominique Rocher
Son Michel Head
Stagiaire Christine Nogueira

Avec : Anne Cantineau - Mathieu Desfemmes - Julie Timmerman - Jean-Baptiste Verquin

 

Mis en ligne le 25 janvier 2017

Actualisé le 6 mai 2018