UN DEMOCRATE

Théâtre de la Reine blanche
 2 bis passage ruelle
75018 Paris
01 40 05 06 96

Du 15 mai au 23 juin
Du mardi au samedi à 20h45

 

Un Démocrate loupe 

(voir l'article de Bruno Fougniès)

 

Edward Bernays. Son nom ne vous dit probablement rien, alors qu’il est pourtant celui de l’une des personnes qui auront été le plus influentes du XXe siècle. Sans qu’on en ait encore pris la mesure.

Edward Bernays (1891-1995), c’est d’abord le neveu de Freud qui s’inspira des enseignements de son oncle pour comprendre le fonctionnement de la psychologie humaine, et les utiliser à des fins politico-commerciales, pour mieux vendre de la camelote, des cigarettes ou des bananes à qui n’en a pas besoin, mais à qui on peut en insuffler habilement le désir.

Edward Bernays, c’est l’inventeur des « relations publiques » celui qui inventa ainsi une méthode douce mais précise de manipulation des foules qui fut étudiée par Goebbels et tous ceux qui s’intéressent aux ressorts cachés des mécanismes de l’esprit humain. Edward Bernays, c’est ainsi celui qui apprend qu’il n’y a rien de plus efficace pour certitude que d’insinuer le doute dans l’esprit des masses, en se préoccupant d’autant moins de la vérité qu’on a compris que celle-ci n’est de toute façon pas à la portée des masses.

Edward Bernays, c’est ce soi-disant « démocrate » paradoxal que nous donne à voir cette pièce de Julie Timmerman sous la forme d’un biopic imaginaire mais inspiré de faits réels, trop réels. Grâce à de belles trouvailles visuelles et un vrai sens de la scénographie – voir notamment le surgissement du cow-boy ou la scène du rêve –, celle qui a écrit la pièce et qui signe également la mise en scène donne une consistance effrayante à celui qui semble prêt à tout pour parvenir à ses fins, sans l’ombre d’un scrupule. Est-il de mauvaise foi quand il se refuse à voir les conséquences des techniques qu’il utilise ? Est-il aveugle quand il se prétend démocrate alors qu’il organisa le renversement du gouvernement du Guatemala dans les années 1950, afin de mieux servir les intérêts de ses clients bananiers ?  À moins que ce ne soit notre démocratie elle-même qui soit empreinte de ces contradictions, dont il serait facile d’accabler le seul Edward Bernays. C’est d’ailleurs ce que suggère la mise en scène qui fait jouer successivement le rôle d’Edward Bernays aux quatre comédiens sur scène.

Entre une démocratie idéelle de citoyens et une démocratie réelle de consommateurs inventée par le libéralisme, où en sommes-nous aujourd’hui ? Le public est renvoyé à ses propres questionnements, redoublés par les allusions que Julie Timmerman glisse en référence à Donald Trump, à Colin Powell ou à la présidentielle française. Pour cela aussi, ce Démocrate-là n’est pas un simple spectacle, ni même une prise de conscience politique, c’est une œuvre salutaire.

Frédéric Manzini

 

Un Démocrate

Texte et mise en scène de Julie Timmerman, assistée de Claire Chaineaux
Dramaturgie : Pauline Thimonnier
Scénographie : Charlotte Villermet
Lumière : Philippe Sazerat
Musique : Vincent Artaud
Costumes : Dominique Rocher
Musique : Vincent Artaud 
Son : Michel Head  

Avec : Anne Cantineau, Mathieu Desfemmes, Julie Timmerman et Jean-Baptiste Verquin

 

Mis en ligne le 21 novembre 2016
Actualisé le 6 mai 2018