Entête

PHÈDRE

 

La Scala
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris

Jusqu’au 26 octobre 2025
Du mardi au dimanche à 15h, 17h, 19h ou 21h

Puis en tournée
du 4 au 6 décembre à Châteauvallon-Liberté à Toulon,
du 13 au 15 janvier 2026 au Nouveau théâtre de Besançon
du 20 au 22 janvier au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence.

 

loupe

 

 

Tout est rouge, uniformément rouge. Les tentures qui couvrent les murs, la moquette et la robe de Phèdre. Un rouge profond, un rouge sang à peine réhaussé de noir et d’or. Parce que nous le savons bien, tout est déjà fini pour comme l’annonce le coryphée sous la figure du slameur Jacky Ido, qui interpelle directement la salle.

Pas de suspense donc, mais l’inéluctable déroulement tragique de la plus belle des pièces du théâtre classique français, telle une lente agonie. Une pièce qu’on croit connaître mais que Muriel Mayette-Holz nous fait voir et entendre d’une façon nouvelle en distillant de petites touches qui bousculent les repères du spectateur au lieu de le rassurer. Avec d’emblée un peu de slam donc, qui fait chanter la beauté de la langue française autrement que ne le fait l’alexandrin. Avec le décor d’un intérieur XVIIe feutré, à la fois vaste et confiné, chaud et froid, qui fait résonner la solitude dans laquelle sont enfermés les personnages. Avec un remarquable travail sur les lumières et les ombres, particulièrement réussi, qui réhausse de grandeur et d’effroi les sentiments qui s’expriment dans l’enchaînement des aveux et des récits. Avec un drame écourté et resserré aussi, sans Aricie, apparemment pour mieux se concentrer sur le trio Phèdre-Hippolyte-Thésée… même si c’est en réalité le personnage d’Œnone qui prend ici un relief nouveau : jouée par Nicolas Maury dont la diction est aussi froide et sévère que le corps d’homme imposant, la « détestable Œnone » se révèle comme la grande manipulatrice et non comme la complice et confidente de second plan qui ne serait que l’écho intérieur de Phèdre. Le contraste est saisissant entre elles deux : tant qu’elle est aux côtés de cette troublante et insaisissable Œnone, dont Muriel Mayette-Holz considère qu’elle est « la plus grande amoureuse tragique du répertoire » dans sa note d’intention, Phèdre (Ève Pereur) tarde un peu à faire naître l’émotion, comme si elle était empêchée de se livrer pleinement. Mais l’émotion s’installe définitivement dans le dernier acte, plus poignant, et qui devient le point culminant de la pièce, celui où la vérité devient libre. Une Phèdre audacieuse donc, qui touche autrement, et qui ne vous laissera pas indifférent.

Frédéric Manzini

 

Phèdre

De Jean Racine
Mise en scène : Muriel Mayette-Holtz
Scénographie & costumes Rudy Sabounghi
Lumière François Thouret
Musique Cyril Giroux

Avec Charles Berling, Augustin Bouchacourt, Jacky Ido, Nicolas Maury en alternance avec Muriel Mayette-Holtz, Ève Pereur