Entête

LE PASSÉ

 

Odéon-Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon
Paris 6e
01 44 85 40 40

Jusqu’au 19 décembre
Du mardi au samedi à 19 h 30, le dimanche à 15 heures

 

loupe

 

 

C’est le spectacle de rentrée pour Julien Gosselin, celui qui lance son arrivée à la tête de cette grande institution qu’est l’Odéon et qui va donner l’orientation de la manière dont il entend poser sa marque. Son choix s’est porté sur la reprise d’un spectacle déjà éprouvé mais qu’on se plaît à revoir, à savoir l’adaptation d’une œuvre – de plusieurs, en fait – d’un écrivain russe peu connu en France, à savoir Leonid Andreïev (1871-1919). Voici donc Le passé, ou la déchéance d’Ekaterina Ivanovna (magistralement interprétée par une Victoria Quesnel impressionnante et admirable), une femme accusée à tort par son mari et qui, blessée et honteuse, sombre peu à peu dans une sorte de folie, parfois furieuse, errant entre les désirs des hommes et l’impossibilité de l’amour.

Outre la beauté des textes qu’on se plaît à découvrir et la justesse des comédiens, c’est le dispositif scénique très original de Julien Gosselin qui fait toute l’originalité de cette représentation, et la rend tellement forte et spectaculaire. La plupart du temps en effet, ce qui est visible du plateau depuis la salle n’est que l’extérieur des maisons, tandis que l’intérieur, lui, est capté en direct et projeté au-dessus, sur l’immense écran qui surplombe la scène. L’apparence et la profondeur ? Pas exactement, car il n’y a ni opposition ni hiérarchie mais seulement deux points de vue qui circulent dans un tourbillon de musique et de cris, de larmes contenues, d’humour parfois – ah, le portrait inattendu de Pascal Praud ! – de destins brisés et de tragédie humaine. Dans une chorégraphie réglée au couteau, au milieu de décors très soignés, les deux Jérémie Bernaert et Baudouin Rencurel cadrent de près les visages et les émotions des comédiens, et les spectateurs se retrouvent partagés entre deux regards, tous deux frustrants mais complémentaires, qui se renvoient l’un l’autre comme pour chercher la vérité de ce qui se joue. On est un peu perdu, un peu inquiet, on a le sentiment de rester un peu à côté de là où ça se passe, tout en y étant quand même, mais n’est-ce pas la vie qui est ainsi faite ?  

Frédéric Manzini

 

Le Passé

D’après Leonid Andréïev
Mise en scène : Julien Gosselin
Scénographie : Lisetta Buccellato
Dramaturgie : Eddy D’aranjo
Musique : Guillaume Bachelé, Maxence Vandevelde
Lumière : Nicolas Joubert
Vidéo : Pierre Martin Oriol, Jérémie Bernaert

Avec : Guillaume Bachelé, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Carine Goron, Victoria Quesnel, Achille Reggiani, Maxence Vandevelde et Jérémie Bernaert, Baudouin Rencurel (cadre vidéo)