LA HONTE
Théâtre de la Reine Blanche
Passage Ruelle
75018 Paris
Jusqu’au 16 novembre
mercredi et vendredi à 21h, dimanche à 18h
Photo © Marie Charbonnier
Une conférence, ou plutôt un colloque. Nous y sommes tous réunis. Tous concernés. Tous investis dans cette réunion dirigée par deux intervenantes très dynamiques, très positives, très survoltées. Nous connaissons tous pour l’avoir éprouvé des multiples fois dans nos vies, le sujet qui nous a réunis ici et l’espoir que ce sentiment, ce ressentiment, cette blessure peut être enfin éradiquée, repoussée et guérie.
« C’est la honte !» une phrase qu’il nous semble avoir entendue dès la plus tendre enfance. « Tu devrais avoir honte ! », « T’as pas honte ? » comme un menace qui nous guette à chaque instant dans tous nos rapports sociaux. La honte, Léa Roblot et Élise Roth en font toute une histoire et développent habilement dans ce spectacle le spectre des dommages que ce sentiment perfide peut provoquer : du rosissement imperceptible d’une joue à la timidité offensée jusqu’au traumatisme les plus profonds, les implacables condamnations de la justice populaire, et la mort…
Une mort potentielle en ce qui concerne le ton du texte soigneusement fignolé par les deux complices à la scène et à l’écriture car c’est sous la protection des dieux de l’art du clown que la pièce est née. Un bel art pour réussir à parler de ce dont il ne faut pas parler et bousculer un peu les bonnes manières, celles, justement, qui font bien attention à faire respecter les règles, les usages et éviter les impairs qui mènent infailliblement au malaise et à la honte.
Qui mieux qu’une clowne peut parler en toute ingénuité de la gêne occasionnée par un pet inopiné, une tache rouge sur un pantalon blanc, ou… pire… un aïeul carrément colonialiste, ou pire… on n’en dira pas plus. Formée toutes les deux à l’école de clown du Samovar, Léa Roblot et Élise Roth s’avancent sur scène sans grimage apparent. L’une en robe moulante et escarpin à talons, la seconde en jogging et baskets, elles ont l’apparence des rôles qu’elles se sont donnée : deux intervenantes motivées dans ce colloque sensé débarrasser les participants de leurs hontes.
Ce sont dans leurs jeux, l’exubérance de leurs personnages, les caricatures très physiques qu’elles en font que surgit la drôlerie et l’autodérision abrasive qu’elles revendiquent. Dans une première partie, la caricature de ces colloques est amusante mais assez sage. C’est dans la deuxième partie que l’univers un peu convenu éclate et que le spectacle peut s’envoler au-delà de l’ordinaire dans des scènes débridées qui piétinent joliment les bonnes manières et entraînent leurs personnages vers un univers vraiment clownesque, magnifiquement sans retenues et sans honte aucune.
Bruno Fougniès
La Honte
Conception, écriture et interprétation Léa Roblot & Élise Roth
Collaboration à l’écriture Mickaël Délis
Complicité artistique Lucie Valon & Leïla Gaudin
Création lumières Fabrice Peineau
Mis en ligne le 28 octobre 2025
DERNIERS ARTICLES