LA DISTANCE
Théâtre 71 – Malakoff Scène Nationale
3 place du 11 Novembre,
92240 Malakoff
Jusqu’au 5 octobre 2025
Photo © Christophe Raynaud de Lage
Sur le papier, l’histoire paraît farfelue. Une fille partie vivre sur Mars, un père resté sur Terre, des messages interplanétaires échangés dans un futur daté de 2077. L’idée semble presque anecdotique, voire sans grand intérêt. Pourtant, La Distance ne nous paraît pas si absurde. Elle devient même réelle, dans un monde où Elon Musk envoie des fusées et où des stars, après avoir déboursé des sommes astronomiques, s’envolent vers l’espace. La fiction actualise le présent.
Le père (Adama Diop) et la fille (Alison Dechamps) ne se voient pas, ne se touchent pas, mais se parlent. La fille a décidé de partir sur Mars pour créer une nouvelle société. Le seul lien qu’elle a sur terre est avec son père pour un temps limité. Le texte nous interroge sur le possible changement de société. Car si le monde change, l’homme, lui, semble rester fondamentalement le même. Les riches ont le pouvoir, ceux qui vivent pour leurs idées, avec une expertise identifiée et valorisée, en font partie mais ne pèsent pas dans ce monde. La richesse permet le choix, l’inconstance, la mobilité.
La scénographie de Fernando Ribeiro est une merveille d’intelligence. Un plateau circulaire, en rotation continue, incarne à la fois la distance physique entre deux mondes – Terre et Mars – et celle, plus intime, entre un père et sa fille. Son mouvement et sa rapidité incarnent le temps qui passe.
Le spectacle pose la question d’un changement de paradigme : faut-il effacer le passé pour construire un nouveau présent ? La fille, ne prend pas note des erreurs de la société ancienne qui s’effondre. Elle avance avec la fougue de la jeunesse, portée par l’utopie d’un monde à inventer. L’intelligence du texte de Tiago Rodrigues est d’échapper à l’écueil du fatalisme, par la radicalité. Il y a de l’utopie – peut-on dire de l’espoir ? – dans cette dystopie. Autrement dit, que nous reste-t-il, à part l’action ?
Ce choix radical n’est réalisable que par l’oubli. De là surgit l’émotion. Elle vient de la perte progressive du lien filial entre le père et sa fille. À mesure que le protocole fait effet, les souvenirs s’effacent, il ne reste que l’intuition primaire d’un lien fort. Les larmes viennent. La salle est emportée.
Alexandra Diaz
La Distance
Texte et mise en scène : Tiago Rodrigues
Avec : Alison Dechamps, Adama Diop
Traduction : Thomas Resendes
Scénographie : Fernando Ribeiro
Costumes : José António Tenente
Lumière : Rui Monteiro
Musique et son : Pedro Costa
Collaboration artistique : Sophie Bricaire
Assistanat à la mise en scène : André Pato
Stagiaire à la mise en scène : Thomas Medioni
Mis en ligne le 27 septembre 2025
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