Entête

ÉDOUARD III

 

Comédie de Béthune
138 Rue du 11 Novembre
62400 Béthune
03 21 63 29 19

Jusqu'au 9 octobre 2025

Puis en tournée, du 14 au 18 octobre au Théâtre du Nord (à Lille), le 13 novembre à Chartres, du 25 au 27 novembre au Théâtre Olympia de Tours, du 2 au 4 décembre à la Comédie de Reims, du 7 au 9 janvier aux 13 Vents de Montpellier et du 22 janvier au 22 février au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, Paris 12e.

 

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Attention, événement considérable ! Jugez du peu : c’est la première fois en France (et peut-être dans le monde entier à l’exception de l’Angleterre) qu’est mise en scène la pièce Édouard III ! C’est donc avec autant de curiosité que d’émotion que l’on se sent privilégié d’assister à la création d’une pièce de Shakespeare...

Passons rapidement sur l’inévitable question de son authenticité discutable : cette pièce a-t-elle effectivement été écrite par Shakespeare, ou au moins coécrite par lui ? C’est un fait qu’elle lui est désormais attribuée par les meilleurs spécialistes du barde anglais, même si cette reconnaissance est récente. Concentrons-nous plutôt sur la seconde question : cette pièce est-elle digne d’intérêt ? Et la réponse est oui !

Édouard III se concentre sur les années glorieuses du grand roi d’Angleterre (Plantagenêt) qui, au XIVe siècle, revendique le royaume de France, alors dirigé par les Valois. Elle s’inscrit ainsi dans la lignée des pièces historiques de Shakespeare, et même si les personnages n’ont pas la profondeur psychologique de Richard III ou de Macbeth, ou même si elle souffre parfois d’un manque de rythme, elle ne manque pas de charme. La langue d’abord, remarquablement traduite Jean-Michel Déprats et Jean-Pierre Vincent, est poétique et fleurie avec des métaphores particulièrement expressives, les oppositions sont intenses et la progression dramatique intelligemment conduite. De composition assez étrange pour ne pas dire baroque, elle est constituée de deux parties de tonalités bien différentes puisque dans un premier moment, le roi Édouard poursuit de ses assiduités la comtesse de Salisbury mais essuie ses refus tandis que dans la seconde, il enchaîne les succès militaires contre des Écossais et des Français aussi présomptueux que ridicules. La juxtaposition des deux intrigues, d’ailleurs, interroge : serait-ce pas dépit amoureux que les hommes se lancent dans la guerre, en se jetant à l’assaut des corps ennemis pour n’avoir pas su triompher d’un cœur ? Une guerre qui durera Cent Ans à défaut d’un amour qui se voulait éternel ?

Au plateau, la transition d’une partie l’autre se manifeste par l’ouverture progressive des panneaux qui figuraient d’abord les murailles, laissant voir la noirceur du fond de scène où va se déchaîner la violence, la fureur et la folie des hommes qui veulent rivaliser de pouvoir et de grandeur. Aussi la première partie de la représentation est-elle aussi sobre que la comtesse de Salisbury (Fanny Kervarec, convaincante) est chaste tandis que dans la seconde, qui rappelle à certains moments Henry V, Cédric Gourmelon s’autorise davantage d’effets de surprises. Sous une lumière glacée, au bruit des trompettes qui sonnent comme des sirènes de bateaux, les costumes aux couleurs chatoyantes de la monarchie française contrastent avec les armures clinquantes des soldats qui s’affrontent, jusqu’au triomphe du prince noir (Zakary Bairi, tout en gravité), le fils d’Édouard (Vincent Guédon, tour à tour fébrile et dur, imprévisible et inquiétant). Quelques détours contemporains aussi avec le début frontal, un extrait du groupe de musique Odezenne ou le tableau saisissant des imperméables contemporains dont sont vêtus les pauvres affamés de la ville de Calais qui subit le siège anglais.

L’audace que Cédric Gourmelon a eu de mettre en scène cette pièce alors trouve sa pleine mesure. Pour cette raison aussi, ce spectacle est un must see.

Frédéric Manzini

 

Édouard III

De William Shakespeare
Traduction : Jean-Michel Déprats et Jean-Pierre Vincent
Mise en scène : Cédric Gourmelon assisté de Louis Berthélémy
Collaboration à la dramaturgie : Lucas Samain
Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuy
Son : Julien Lamorille
Lumières : Marie-Christine Soma
Costumes : Sabine Siegwalt

Avec : Zakary Bairi, Laurent Barbot, Jessim Belfar, Vladislav Botnaru, Guillaume Cantillon, Victor Hugo Dos Santos Pereira, Vincent Guédon, Manon Guilluy, Fanny Kervarec, Christophe Ratandra