Entête

JEAN ANOUILH : SOUVENIRS D'UN JEUNE HOMME

 

Théâtre de Poche-Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse
75006 Paris

Jusqu’au 9 juillet
Les mardis et mercredis à 19h

 

loupe

Photo : Alejandro Guerrero

 

Sublimes souvenirs mémoriels…

 

Disons-le tout net et tout de suite : l’un des meilleurs spectacles qu’il nous est donné d’admirer en ce moment à Paris ! Et ceci pour bien des raisons : tout d’abord le grand Jean Anouilh qui livre avec tant d’authenticité, de charme, de pittoresque et de drôlerie ses mémoires de jeune homme pauvre qui a bien du mal à vivre de sa plume, ensuite le texte, un bijou magnifiquement ciselé issu de plusieurs recueils du Maître, habilement sélectionnés par Gaspard Cuillé et Benjamin Romieux qui ont imaginé avec un réel bonheur de les porter pour la première fois à la scène, et une interprétation absolument époustouflante, le soir de la première en présence de sa fille Colombe Anouilh d’Harcourt, par Emmanuel Gaury, également metteur en scène inspiré et créatif, – en alternance avec Gaspard Cuillé – et par Benjamin Romieux qui dans un rôle de « double Je », virevoltent avec maestria, se renvoient les répliques avec jeux de miroir de Jean qui parle à Anouilh, entament des dialogues savoureux avec des personnages hauts en couleur, comme ses relations compliquées avec Louis Jouvet : « Tu comprends, mon petit gars, tes personnages sont des gens avec qui on ne voudrait pas déjeuner ! » lui dit-il après la lecture d’une de ses pièces « Croyez- bien qu’eux non plus ne voudraient pas ! » répliquait l’auteur sans se démonter… Sa rencontre avec la princesse Bibesco qui lui tend une main baguée pour un baisemain dont il pince le bout des doigts, avant de repartir sous le regard des valets goguenards… Sa tendresse admirative pour Pierre Fresnay qui joua L’Hermine, son premier grand succès ; son éblouissement devant Georges Pitoëff « Je n’ai rencontré qu’un seul génie de théâtre !   -c’est déjà beaucoup pour une vie- » Puis la guerre avec ses multiples aventures des plus loufoques et enfin la création du Bal des Voleurs au Théâtre de l’Atelier, grosse réussite malgré le couvre-feu, les débuts de Michel Bouquet qu’il fit jouer dans Le rendez-vous de Senlis et son amitié si complice avec Barsacq : « J’ai la nostalgie de ces scènes trop petites, des deux spots et des quatre bouts de bois avec lesquels on fait du vrai théâtre. On a beau arriver à la nudité, rien ne remplace la pauvreté. »

Les vomissements sonores de Paulette Pax, la traqueuse ; les fous rires incoercibles de Suzanne Flon, jouant une Jeanne dans L’Alouette, jamais aussi hilare de monter au bûcher !

Vinrent enfin la belle performance d’Eurydice malgré les coupures dues aux exigences allemandes de terminer à 17h30 et le triomphe d’Antigone que le gouverneur militaire de Paris, le soir de la « générale libérée » salua en se levant d’un « C’est admirable ! » déclenchant un tonnerre d’applaudissements…
« Mes tréteaux, qui m’ont tenu lieu d’honneurs, de luxe et de voyage ne m’ont jamais déçu. » conclut cet immense dramaturge avec tant de modestie.

Il faut courir voir cet admirable voyage théâtral, ce luxe mémoriel porté avec panache par des comédiens méritant bien des honneurs, avec la certitude de n’être non seulement pas déçus, mais absolument enchantés !!!

Anne Revanne

 

Jean Anouilh : Souvenirs d'un jeune homme

Un spectacle imaginé par Gaspard CUILLÉ et Benjamin ROMIEUX
D’après La Vicomtesse d’Eristal n’a pas reçu son balai mécanique et En Marge du théâtre, de Jean Anouilh

Avec Gaspard Cuillé ou Emmanuel Gaury, Benjamin Romieux

Création sonore : Mathieu Rannou
Lumières : Alireza Kishipour
Photographies : Alejandro Guerrero