ISABELLE DE BOTTON
Rencontre avec Isabelle de Botton, une comédienne toute en délicatesse qui, bien que connue, gagne à être « reconnue »
À quelques heures du top départ, Isabelle de Botton pressent le léger trac qu’elle aura inévitablement, même après trente ans de carrière.
— Cela fait partie du métier mais, comme on a déjà joué la pièce cet été à Avignon, l’appréhension est moins grande car on sait qu’elle a été bien accueillie.
Tellement bien accueillie que la nouvelle direction du Comédie-Bastille a décidé de la mettre à l’affiche dès cette rentrée. Il faut dire que le thème de cette création, signée par le comédien Jean-Loup Horwitz, n’est pas banal à l’image de son titre « Adolf Cohen ». En deux mots, il s’agit du parcours d’un homme né juif, qui devient catholique (pour cause d’occupation nazie) et qui finit par épouser une palestinienne, sachant qu’Isabelle interprète les trois femmes de sa vie : sa mère biologique, sa mère adoptive et sa compagne musulmane.
— Au départ, je me sentais plus proche de la mère juive mais, en discutant avec le metteur en scène et l’auteur, mon appropriation des personnages s’est affinée et au final, je les aime toutes. D’autant plus que je les incarne à des périodes différentes de leur vie qui s’est chargée de les transformer. Si la mère d’Adolf est insouciante de son appartenance religieuse lorsque nait son enfant, c’est une autre femme, une femme en colère que l’on retrouve après la guerre.
Comblée d’avoir été choisie pour incarner ces rôles aux multiples facettes, Isabelle ne tarit pas d’éloges sur l’homme de théâtre prestigieux auquel a été confiée la mise en scène.
— J’ai adoré travaillé avec Jacques Rosner qui a été directeur du Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique de Paris. Pour moi qui rêvais d’interpréter les héroïnes du répertoire classique français, c’est mon Eldorado. Il a une façon très douce d’amener à la profondeur du personnage et quand il me fait un compliment, le plaisir est immense. Et puis j’aime ce texte puissant et drôle, ce qu’il défend, la tolérance, l’idiotie des dogmes et des extrémismes...
À cet égard, l’engagement artistique qu’isabelle manifeste depuis « Moïse, Dalida et moi *», son remarquable « Seule en scène » qui retrace son itinéraire de juive égyptienne, semble marquer un virage dans la carrière de cette comédienne à la fois connue et méconnue. Comme si, en osant assumer ses origines et son identité, son heure était venue d’être reconnue.
— Mon père ne parlait jamais de sa vie d’avant l’exil, il ne voulait pas. Il ne voulait pas non plus que je sois comédienne et j’ai été prof d’anglais avant de braver les interdits. Dans la culture orientale, les femmes ne peuvent pas être actrices. C’est peut être aussi pourquoi j’ai longtemps pensé que jouer la comédie permettait de se cacher derrière des personnages. Mais aujourd’hui je m’aperçois que ce que le public apprécie, c’est ce que l’on donne de soi.
Une implication probablement ressentie par Jacques Rosner qui, à la fin de la répétition à laquelle j’assistais, a glissé sobrement à Isabelle :
— Je ne sais pas l’accueil que va avoir Adolf Cohen mais c’est exactement ce dont je rêvais.
Que demander de mieux !
Patricia Lacan-Martin
Voir l'article de Bruno Fougniès sur la pièce vue à Avignon
Vous pourrez également retrouver Isabelle dans Moïse Dalida et Moi le 19 octobre à l'Espace Rachi.