MOÏSE, DALIDA ET MOI

 

Moise, Dalida et moi loupe

 

 

Mieux qu’une biographie, mieux qu’une leçon d’histoire, mieux qu’un essai philosophique sur les vertus du « Vivre ensemble », le spectacle d’Isabelle de Botton, autour de son enfance, évoque une délicieuse tranche de vie que l’on a envie de partager avec la terre entière.

Comme Moïse, comme Dalida et quelques autres célébrités, Isabelle est née à Alexandrie, en Egypte, du temps où la population, aux origines et cultures différentes, se côtoyait en toute harmonie. Jusqu’au jour où tout bascule un soir de novembre 1956. En pleine crise du Canal de Suez, le président Nasser ordonne l’arrestation de 700 personnes, dont des juifs d’Alexandrie et du Caire, en représailles à l’attaque tripartite de la France, du Royaume-Uni et d’Israël. Arrêté puis emprisonné pendant quatre mois sur le seul fait qu’il était juif, le père d’Isabelle revient brisé et décide de quitter, en 1960, le pays de ses ancêtres pour installer sa petite famille dans le pays des Droits de l’Homme et plus précisément à Paris. Profondément marquée par ce bouleversement qui a reconditionné totalement son avenir de Femme, Isabelle raconte avec intelligence et finesse sa multi culturalité à travers le babillage et l’espièglerie de la petite fille qu’elle était.

Telle une marionnettiste qui ferait apparaître et disparaître ses personnages au gré de l’histoire qu’elle veut raconter, Isabelle incarne, avec beaucoup d’amour, tous les membres de sa famille qui ont habité son enfance. Son père d’abord, figure centrale de ses souvenirs et de sa vie, sa mère avec son éternelle aiguille à la main, sa grand-mère si élégante à l’accent anglais (mais qui puise ses racines dans tous les pays de la Méditerranée), son oncle et son éblouissante corvette, ses tantes si extravagantes….Tous reviennent sur terre le temps de la représentation et, on les découvre avec leurs coquetteries, leurs rituels, leurs valeurs… Et, fatalement, l’attachement d’Isabelle à tous ses fantômes du passé est si sincère qu’on les aime à notre tour.

Non seulement on les aime mais on se surprend à regretter de ne pas avoir connu ce paradis perdu qui sent bon le jasmin et la fleur d’oranger. Ce paradis perdu où juifs, chrétiens, arabes, grecs, arméniens et même rabbins ponctuaient leurs phrases par « Inch’Allah ». Ce paradis perdu où femmes voilées et femmes en bikinis cohabitaient et se respectaient. Cet Orient avec ses us et coutumes qui nous échappent parfois, comme la politesse qui consiste à refuser d’emblée une invitation. « En Orient, on refuse une fois, deux fois, trois fois, on fait monter le désir » !

Mais les souvenirs d’Isabelle n’ont pas que le goût de la nostalgie. L’arrivée en France est vécue comme une chance pour elle qui est la première femme « libre » de sa famille. Elle qui reconnaît avoir eu la possibilité de faire des études, de devenir actrice et d’avoir deux enfants hors mariage. Un destin inenvisageable pour ses ainées qui devaient être bien éduquées mais pas trop pour ne pas faire de l’ombre aux frères, au mari ou au père et qui, comme sa mère, cachaient leur goût pour la poésie dans des livres de cuisine.

De la pyramide de Khéops à la pyramide du Louvre, de l’obélisque d’Alexandrie à celui de la Concorde, le voyage dans les souvenirs d’Isabelle de Botton, remarquablement mise en scène par Michèle Bernier sa complice de toujours, n’est pas seulement un pur moment de bonheur rare, c’est aussi un témoignage d’actualité et d’intégration parfaitement réussie.

Patricia Lacan-Martin

 

« Moise, Dalida et moi » n’est plus à l’affiche pour le moment, Isabelle de Botton jouant dans « Des Gens bien » au Théâtre Hébertot

Programmation ultérieure plus que souhaitable !

 

Mis en ligne le 6 mars 2015

Actualisé le 7 octobre 2016