Élodie NAVARRE
Rencontre avec Elodie Navarre,
Célimène dans le Misanthrope au
Théâtre actuel
à 22h30.
photo Claude Bourbon
Élodie est jeune, joyeuse, fraîche et spontanée.
Sans la perruque et la lourde robe de Célimène qu'elle endosse chaque soir, elle apparait infiniment plus fragile et vulnérable que sur scène.
Elle crée une Célimène à la fois légère et empreinte d'une certaine profondeur.
« On ne sait rien de Célimène, si ce n'est qu'elle est une jeune veuve. J'ai imaginé qu'elle avait souffert de son mariage, peut-être avec un vieux barbon. Et que sa liberté nouvelle la grise. Elle n'a pas envie de s'enfermer de nouveau, c'est pourquoi elle apprécie d'être entourée de jeunes et beaux marquis. Même si elle aime Alceste, indéniablement. Mais il est trop maladroit dans ses intransigeances : « Vous ne m'aimez pas comme il faut que l'on m'aime » est d'ailleurs ma réplique préférée. Je pense qu'on doit la jouer avec l'énergie de 20 ans alliée à la maturité de 40. »
Prévenue tardivement, elle n'a eu que peu de temps pour apprendre son rôle. Mais ça ne l'a pas inquiétée.
« J'ai fait confiance à Molière. Un bon et beau texte s'apprend facilement, il fait sens et la musique des mots aide aussi énormément. C'est un plaisir d'apprendre, j'avais une telle envie d'être le vecteur qui va porter la parole de Molière. Après ce n'est plus que la gymnastique de la mémoire. »
Le théâtre fait définitivement partie de sa vie.
« J'ai débuté facilement et très jeune (à seize ans elle a été repérée dans le métro pour jouer dans un film avec Jean Rochefort).J'ai fait beaucoup de cinéma, de télévision pendant cinq ans. Et le suis allée au conservatoire du 10ème. Et à la sortie, en juin, je signe un contrat avec la Criée, le théâtre national de Marseille, pour jouer dans Les fausses Confidences de Marivaux. Et là tout s'écroule. J'ai un terrible accident qui va m'immobiliser 2 ans !ça m'a coupé les ailes. »
Maintenant, avec le recul, elle dit que ç'a sans doute été une chance qui lui a permis de se poser, de réfléchir à ce qu'elle voulait vraiment.
« Je me suis rendue compte que la scène m'avait stabilisée. On a le temps au théâtre avec les répétitions d'incarner un personnage. C'est du luxe. Et à chaque représentation, c'est nouveau, jamais pareil. On est soi-même différent selon les jours mais c'est aussi le cas des partenaires. Et aussi du public. On sent dès les premières répliques s'il est captivé ou s'il faut aller le chercher, trouver les points importants qui vont le ramener dans l'histoire. On travaille sans filet au théâtre, tout peut arriver. C'est effrayant et en même temps très excitant.»
Elle avoue d'ailleurs être en manque quand elle ne joue pas.
« Je sors alors beaucoup, je vois énormément de spectacles. Je vis les rôles par procuration avec ceux qui sont sur scène. Après, quand je sors, le manque est comblé. »
Elle attend alors les comédiens à la sortie, parle avec eux, dis ce qu'elle a pensé, cerne les intentions. Et noue ainsi des contacts. Rencontre des gens avec qui parfois elle aimerait jouer. Mais elle n'ose pas le dire. Par peur que le désir ne soit pas réciproque. Mais le lien est tissé. Et peut-être un jour, on pensera à elle pour un rôle.
« J'ai pris goût aux grands textes. Et j'adorerais me confronter à un Shakespeare. »
Avis aux amateurs…
Après Avignon, elle enchaîne avec les répétitions interrompues par le Festival, pour jouer à la rentrée au Petit Hébertot dans Les cartes du pouvoir avec Raphael Personnaz et Thierry Frémont, mis en scène par Ladislas Chollat.
Un nouveau rôle. Un nouveau personnage qu'elle fera vivre avec toujours le même plaisir, le même désir, la même passion.
Comme à chaque fois.
Nicole Bourbon